On a rencontré Noureddine Bentoumi, le premier algérien à avoir participé aux JO d’hiver en ski de fond.

Noureddine Bentoumi devient en 2006, le premier algérien a participé aux Jeux olympiques de Turin en ski de fond. 10 ans après, son frère Farid Bentoumi a  décidé de s’inspirer de son parcours pour son premier long métrage Good Luck Algéria qui sort au cinéma ce mercredi 30 mars. Rencontre avec ce sportif attachant à l’histoire incroyable

Bonjour Noureddine. Quel était votre sentiment quand vous avez appris que votre frère allait tourner un film s’inspirant  de votre histoire ?

Noureddine Bentoumi : J’étais assez surpris la première fois quand j’ai pris connaissance du sujet (un gars qui va faire les JO pour l’Algérie). Je percute que c’est mon histoire et je pensais sur le coup que cela n’allait intéresser personne. Il a écrit pendant un an et demi et quand il m’a donné la première version du scénario, je voyais que ça se rapprochait vachement de la réalité. J’avais un peu peur quand Farid m’a dit que le film serait présenté au festival de l’Alpe d’Huez, mais quand je l’ai vu  que c’était très sincère et très proche de ce que j’avais vécu j’étais très fier du film et de son travail.

Noureddine a également participé pendant le tournage en faisant la doublure de Sami Bouajila.

Quel souvenir gardez-vous des JO de Turin en 2006 ?

Noureddine Bentoumi : C’est particulier, on est dans un endroit assez éloigné de la réalité. Le fait d’être aux jeux te permet de voir tout l’envers du décor avec par exemple, des officiels qui tentent de dissuader les petits pays de participer aux épreuves. Mais le plus important c’est le chemin à faire pour y arriver. C’est un long combat, il fallait convaincre la fédé algérienne, trouver des sponsors, faire les courses pour se qualifier… C’était au final le plus important, les JO c’étaient vraiment en plus.

Pouvez-vous nous raconter le jour de la course ?

Noureddine Bentoumi : Cela s’est très mal passé. Toute la semaine les officiels ont essayé de me décourager de faire le 50. Ils ne voulaient pas de petits pays sur cette course (équivalent du marathon pour les JO d’été) pour ne pas voler la vedette aux grands pays. Mais moi je voulais à tout prix faire le 50, ma femme et mon père avaient organisé un voyage avec toute la famille, ils ont même loué un bus pour l’occasion. Le jour du départ, j’étais quasiment la seule petite nation à y participer. Je savais que je ne finirais pas, mais cette course était du bonus pour moi. Ce jour-là, on était 30 à ne pas avoir terminé et le fait que les italiens finissent aux 3 premières places n’a pas arrangé les choses. Il faut savoir que le tour a été réduit à 4 km et que la piste avait des pentes aussi raides qu’en alpin, quand tu as des gars qui sont à 25 km/h de moyenne, c’est très dur de suivre. J’ai quand même savouré ce moment : la préparation des skis, le tunnel vers le départ… C’était vraiment un moment magique.

Comment ça s’est passé avec les autres coureurs ?

Noureddine Bentoumi : Il y avait tout un groupe de petits coureurs qui comme moi n’avaient ni équipe ni entraîneur, il y avait deux argentins, un népalais (Dawa Sherpa, grande star du trail), et un portugais. En équipe de France faire les minimas ce n’est rien alors que pour nous c’est déjà quelque chose de grand. Dans le film, on voit très bien cette relation entre les petites nations, cela représente vraiment ce que j’ai vécu.

Comment s’est déroulée la préparation ?

Noureddine Bentoumi : Elle a duré 2 ans, ce n’était pas dur, du fait que c’était un plaisir pour moi. J’ai fait les championnats du monde, plusieurs coupes d’Europe, des courses longues distances et la préparation avec l’équipe de France de ski de fond. Je me suis entraîné avec des grands noms du fond français comme Randy D’Aragon qui avait gagné cette année-là une médaille d’argent en sprint. C’était quelque chose d’incroyable de faire tous les stages avec un eux. Mon objectif était de finir le 50 km, c’était donc suffisamment ambitieux pour avoir un entraînement sérieux. Ce n’est pas possible pour un sportif amateur de suivre les meilleurs mondiaux. Le ski de fond est un sport particulier, dans n’importe quelle course tu as tout de suite les meilleures ce n’est pas comme le marathon où tout le monde peut s’inscrire.

Comment se sont déroulées les démarches avec la fédération de ski algérienne ?

Noureddine Bentoumi : Le film est très juste dans le sens où il raconte vraiment la façon dont ça s’est passé. Tout d’abord, on se rend compte qu’il existe une fédé de ski en Algérie. Le ski de fond était inconnu pour eux, ils ne connaissaient que l’alpin. Il faut savoir qu’il  y avait deux stations de ski en Algérie, mais elles ne fonctionnent plus depuis des dizaines d’années. Il fallait donc les convaincre et prouver que j’avais des chances d’y aller. Après on reçoit un aide, mais qui est ridicule, au final j’ai quasiment tout fait tout seul.

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Aux JO je n’avais pas d’entraîneur non plus, car la fédé s’est débrouillée pour que je n’en aie pas. Heureusement il y avait une autre skieuse algérienne (Christelle Laura Douibi) en alpin, on était dans le même bateau et on a pu partagé cette expérience ensemble même si on ne se voyait pas tout le temps.

On a l’impression que la fédération n’était pas très chaude à l’idée de vous voir participer aux JO ?

Noureddine Bentoumi : Non c’est pas forcement ça, leurs objectifs ne sont pas forcement les mêmes que les nôtres. Développer le ski en Algérie, ça ne les intéresse pas, ils préfèrent participer aux compétitions officielles et toucher les subventions qui vont avec. J’ai été un peu déçu, j’étais prêt à m’engager vraiment à fond comme repérer et entraîner des jeunes . Mon père état engagé, ma famille aussi, c’est vraiment dommage de ne pas avoir eu la réponse que j’attendais.

Le ski algérien n’a donc pas progressé depuis 2006 ?

Noureddine Bentoumi : Si ça n’a pas reculé. Cela reste au final un poste de fonctionnaire rattaché au ministère. Je n’ai pas eu écho d’autres évènements. À Sotchi, ils n’ont pas voulu laisser le coureur qualifié y aller pour des raisons politiques.

Le ski a permis pour vous un retour aux sources…

Noureddine Bentoumi : Oui totalement. Je me suis lancé dans cette aventure suite à une rencontre avec un skieur qui était hongrois et qui allait faire les JO pour son pays. C’est lui qui m’a donné l’idée d’être le premier algérien à faire les jeux en ski de fond. Mais rapidement le délire sportif s’est transformé en autre chose. Je suis allé là-bas pendant ma préparation et j’ai eu le soutien de mes proches qui vivaient en Algérie. Quand tu viens aux compétitions avec un drapeau et que tout le monde t’appelle : ‘Algérie’, on se dit qu’on représente son pays. Donc oui, c’est un retour aux sources d’une certaine manière même si je connais le pays depuis que je suis gamin. Le film retranscrit très bien ces moments.

Good Luck Algeria fait d’ailleurs écho à l’actualité avec un regard sur la binationalité

Noureddine Bentoumi : Quand tu appartiens à deux pays, tu ne comprends pas ce projet de loi. J’ai porté à la fois le drapeau français et algérien. Le film en parle très bien et montre une meilleure image que celle produite par les médias. La notion d’intégration n’est pas connue pour nous qui sommes nés en France, tout simplement, car nous sommes déjà intégrés.

Comment s’est passé l’après-JO ?

Noureddine Bentoumi : En 2008, je suis reparti pour me qualifier pour les JO de 2010. Je suis donc parti avec Dawa Sherpa en Finlande pour les mondiaux, on a loué une voiture pour y aller et se qualifier. Cependant une fois qualifié, la fédération algérienne me prévient deux jours avant la date limite des inscriptions que c’est un autre qui y va à ma place. Après les jeux de Vancouver, j’ai eu un petit coup d’arrêt et maintenant je skie plus pour profiter. J’essaye notamment de transmettre la passion du fond à mes enfants, c’est le plus important pour moi aujourd’hui.

Good Luck Algeria

De Farid Bentoumi, avec Sami Bouajila, Franck Gastambide et Chiara Mastroianni

En salles le 30 mars

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