Kevin Mayer est un athlète champion du monde. Il est aussi devenu une personnalité, une célébrité. Reconnu dans la rue, davantage sollicité par les médias, le décathlonien connaît depuis Londres 2017 et son titre mondial une nouvelle notoriété. Un an après l’événement le plus marquant de sa carrière sportive, on a souhaité discuter avec l’athlète, afin de pouvoir découvrir un peu plus la personnalité de l’homme.

En progrès constant depuis ce fameux titre de 2017, Kevin Mayer a continué 2018 sur sa lancée, améliorant ses performances personnelles dans plusieurs disciplines du décathlon, avant même d’atteindre l’objectif principal de sa saison, les championnats d’Europe d’athlétisme à Berlin, du 7 au 12 août 2018. Notamment frustré de sa course sur 110 mètres haies en juin à Rattingen en Allemagne où il s’était approché de son record personnel, Kevin Mayer s’était senti « fatigué », et m’avait affirmé l’ambition de battre ce record dès la fin du mois de juin à domicile, à l’occasion du Meeting de Paris au Stade Charléty. Puis ce samedi 30 juin à Charléty, Kevin Mayer terminait le franchissement de ces 10 haies étalées sur 110 mètres en 13 secondes, 71 centièmes, son record personnel. Cet exemple m’a montré l’ambition de l’athlète à propos de ses échéances futures.

Kevin Mayer est également imprévisible. Le décathlon combine dix épreuves différentes en un peu plus de 24 heures, et ne serait-ce que terminer un décathlon est une performance toujours saluée par les spectateurs d’athlétisme, souvent symbolisée par le tour d’honneur torse nu des participants à ces épreuves combinées. S’il ne fait que très rarement des décathlons entiers dans une saison, Mayer choisit les épreuves auxquelles il participe en fonction de son calendrier, de ses objectifs et de son programme d’entraînement. « Un décathlon, ce n’est pas un 100 mètres », cette philosophie lui permet de se remettre en question fréquemment, notamment en vue de ses objectifs futurs. Avoir un niveau supérieur à ses concurrents directs ne lui permet pas à l’avance « d’imaginer être champion d’Europe ».

Symbole de la particularité des épreuves combinées, Mayer évoquait la deuxième journée des championnats du monde de Londres l’année dernière et le concours du saut à la perche, où son titre aurait pu s’envoler si lui-même n’avait pas réussi à s’envoler au-dessus d’une barre à 5,10 mètres. En perspective avec ces moments intenses qui font la spécificité des épreuves combinées, Mayer rappelle qu’un « championnat n’est pas pour faire des points, mais pour faire des médailles », avouant que le nombre de points de l’épreuve ne peut être imaginé « avant les deux dernières épreuves ».

Si tout se passe comme prévu pour Mayer, il terminera le décathlon des championnats d’Europe à Berlin, lui qui avait regardé les championnats du Monde dans la capitale allemande en 2009, marqués par le record du monde du 100 mètres établi par le Jamaïcain Usain Bolt dans ce que Mayer qualifie « d’ambiance exceptionnelle ».  L’éventualité d’un record du monde qui tomberait dans l’Olympiastadion, Mayer en entend de plus en plus parler, évidemment directement concerné par cette question.

Au moment d’aborder ce sujet avec Kevin, j’ai voulu éviter la question visant à savoir quand ce fameux record d’Ashton Eaton (9 045 pts) pourrait être effacé, mais plutôt savoir ce qui pourrait être fait pour s’en approcher. Sans aucune prétention d’affirmer le battre dans un avenir plus ou moins proche, Kevin estime « faire ce qu’il faut à l’entraînement pour atteindre la barre des 9 000 (pts) », précisant humblement ne pas avoir actuellement « assez de marge », en ajoutant ensuite qu’il faudrait réussir « un décathlon plus-que-parfait pour y arriver ».

On a parlé NBA, films, séries et athlétisme avec Kevin Mayer

La Britannique Katarina Johnson-Thompson, heptathlonienne championne du monde en salle 2018 qui s’entraîne à Montpellier avec Kevin Mayer, a pu nous confier son avis sur la question : « Je pense que quand un athlète a le potentiel et les records personnels nécessaires, et qu’il est capable de les regrouper, alors il peut envisager une voie vers cet objectif. Je suis persuadée que c’est quelque chose que Kevin peut faire. Quand il rentre sur la piste, il devient une autre personne et je suis sûre qu’il peut le faire, je ne sais juste pas quand. »

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Basé à Montpellier, où il est entraîné par Bertrand Valcin et Jean-Yves Cochand dans un groupe d’athlètes composé de décathloniens et d’heptathloniennes, Mayer semble avoir trouvé son équilibre : « J’ai, depuis trois ans et demi vraiment trouvé ce qu’il me fallait au niveau de l’entraînement, il faut que je continue dans la même voie pour progresser petit à petit. » Kevin Mayer s’entraîne également avec des spécialistes français de chaque discipline du décathlon, lui permettant par exemple de prendre les conseils d’un Renaud Lavillenie pour le saut à la perche. Chez lui, il regarde « énormément » de vidéos des meilleurs athlètes dans chaque discipline, ce qui lui permet de pouvoir se comparer, et d’observer ce « qui se fait de mieux ».

En dehors de sa vie d’athlète, Kevin Mayer peut parfois se retrouver dans la peau d’un fan, notamment lorsqu’il s’agit de NBA, et des Boston Celtics de Brad Stevens. Enthousiasmé par le retour de Kyrie Irving et de Gordon Hayward la saison prochaine, l’affirmation de talents comme Jaylen Brown ou Jayson Tatum, il estime que Boston « beaucoup de chances » pour le titre la saison prochaine, bien qu’il ne cache pas son inquiétude quant à l’éventualité de voir partir des joueurs comme Terry Rozier ou Marcus Smart.

Quant au meneur des Celtics Kyrie Irving, « voilà quoi ! » L’exclamation de Kevin Mayer lorsque nous abordons le sujet de l’ancien joueur des Cavaliers dit beaucoup de l’inspiration qu’Irving est pour lui. « Techniquement incroyable, vif », Mayer prend quelques précautions oratoires en m’avouant préférer regarder un Kyrie Irving à un LeBron James, « sans évidemment vouloir dénigrer LeBron », mais tout en affirmant être plus attiré par l’esthétique de l’ancien coéquipier de James. L’admiration de Kevin Mayer pour Irving ne se limite pas au terrain, lui qui apprécie « sa personnalité avenante, et ses engagements humanitaires ». Interrogé sur les choix controversés que des sportifs comme Irving ou Durant peuvent faire, pouvant provoquer l’ire de certains supporters fervents, Mayer me confie que « dans le sport, peut importe les choix qu’on pourra faire, on se fera toujours critiquer par une partie du public ». Si certains sportifs ont la capacité de ne pas être atteints par les critiques, ou parfois même les insultes, la vie d’athlète peut se révéler être plus difficile. Au printemps dernier, DeMar DeRozan, star des Toronto Raptors, s’était confié sur son combat contre la dépression, appuyé dans la foulée par le joueur des Cleveland Cavaliers Kevin Love. Réagissant aux déclarations de ces deux joueurs NBA, Kevin Mayer m’a confié ne pas connaître ces problèmes-là, réaffirmant « le bonheur qu’il a de faire ce qui lui plaît », tout en comprenant les dépressions que peuvent connaître certains athlètes, notamment en ce qui concerne la gestion de la célébrité et de l’attention portée sur eux au quotidien, en évoquant notamment les quelques difficultés qu’il avait eues pour gérer l’attention colossale post-championnats du Monde à son égard.

Au-delà des matchs NBA qu’il suit avec intérêt, Kevin Mayer occupe son temps libre avec des mangas, des bandes dessinées, des jeux vidéo ou en regardant des séries TV. Parmi elles, The Big Bang Theory. Au-delà de justifier l’attrait de cette série par son goût pour les sciences, Mayer apprécie le côté reposant de la série emmenée par Jim Parsons, « où il ne se passe jamais rien ». Il regarde également, comme beaucoup d’autres, la série HBO Game of Thrones, et coté films, les blockbusters américains comme Le Seigneur des Anneaux ou Interstellar.

Enfin, Kevin Mayer profite également de ses « vacances » pour partager sa passion pour le décathlon. Le 19 août 2018, il organisera le Mayer Experience sur la plage de Saint Jean de Monts. L’ambition de cet événement est pour Mayer de « rendre le décathlon accessible » dans un cadre moins conventionnel, où les épreuves se dérouleront dans le sable vendéen. Lui qui sans cesse promeut le décathlon en invitant les gens à venir au stade, a cette fois décidé « d’amener les épreuves combinées aux gens », en simplifiant le décathlon pour les amateurs n’ayant jamais pratiqué l’athlétisme auparavant.

À l’aube des championnats d’Europe de Berlin, Kevin Mayer se focalise sur les chacun des titres qu’il peut gagner dans chacune des compétitions sur lesquelles il s’engage. S’il ne pense pas jour et nuit à ce record du monde du décathlon, il reste cependant conscient que ces 9 045 points le feraient passer dans une autre dimension, l’Histoire. Il m’est impossible de déterminer si un jour Mayer battra ce record ou non, mais ce qui est certain, c’est qu’il se battra pour y arriver.

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