Présentation des Highland Games

Le long des lochs enfumés de fog, à la lisière des bois sans âges où korrigans et vaches vêtues d’abondantes toisons rousses dansent la gigue d’un pas chorégraphié, entre les crêtes cisaillées par des vent furieux et les tourbières reniflant de fièvre, au gré des fougères et des chardons millénaires, on peut voir de tout temps dans cette fière région reculée de Grande Bretagne de champêtres gaillards aux jupes bariolées s’adonner à de curieux exercices physiques en plein-air. Se formaliser par objection de conscience primaire serait une erreur, car lorsqu’on s’y penche de plus près on s’aperçoit que ces géants au cœur de malt ne se remuent pas les boyaux au rythme des clairons et des cors militaires, comme le passant intrigué voudrait bien le croire. Ne nous y trompons pas, il n’est aucune velléité belligérante en ces entrainements spectaculaires. Il s’agit là d’un endurcissement en tenue folklorique destiné à la préparation des concours les plus rustiques de la Création, j’ai nommé les Highland games !

Pratique compétitive répandue selon certains historiens dès le XIe siècle par le roi Malcolm III d’Écosse, fils de Hal II, au sein de tous les clans écossais, elle fut encouragée à travers les âges par les chefs de clans de Calédonie afin d’entretenir, est-il rapporté, la force et la dextérité des hommes du village. Ces Highland games ne prirent toutefois leur forme moderne qu’au XIXe siècle et il en est aujourd’hui question en plusieurs endroits du monde, bien que les peuples à progéniture naissant directement barbue semblent avoir une prédisposition pour ce genre de pratiques. À titre d’exemple, les Highland games les plus fréquentés ont lieu sur le territoire américain et réunissent chaque année un nombre considérable de Canadiens faucheurs de séquoias à coups d’avant-bras. Nous trouvons même trace d’Higland games en France, à Bressuire plus précisément, l’une des deux sous-préfectures des Deux-Sèvres — pour les lecteurs qui s’injectaient de la rabla à grand renfort de seringues souillées au lieu de suivre les cours de géographie au collège.

Gardons néanmoins bien à l’esprit que les plus respectables parmi ces Highland games restent locaux et se situent au beau milieu du territoire gaël, dans ce vaste pays occupé que Mel Gibson n’aura pas réussi à libérer malgré sa fougue et ses peintures exotiques. De ces jeux il existe plusieurs sortes, sévissant à divers endroits à différents moments de l’année. Chaque contrée cultive les siens, mais les plus importants se déroulent chaque dernier weekend d’août, par une étouffante dizaine de degrés allongée de pluie fine au cœur de Dunoon, sur la côte ouest. Cette ville réussit chaque année le pari insensé, pour un pays moins peuplé que le Kirghizistan, de regrouper plus de 3000 concurrents et plusieurs dizaines de milliers de spectateurs lors d’une compétition qui répond au doux sobriquet de Cowal Highland Gathering. Une fois ce tour d’horizon spatio-temporel établi, entrons dans le vif du sujet, car si l’on peut douter du sujet en lui-même, il n’est rien à craindre quant à sa vivacité.

Les Highland games regroupent une série de concours, à la manière des jeux grecs aujourd’hui dévoyés sous le nom d’olympiques par un certain grand humaniste français, j’ai nommé le baron de Coubertin, chantre de la tolérance, du féminisme, du progressisme, de l’anticolonialisme, du socialisme, des anti-maurassiens et j’en passe. Revenons à nos épreuves. Si elles font la part belle aux physiques bruts et encombrants, elles savent aussi allier le goût particulier qu’a le folklore écossais pour les arts, ses arts. Voyons plutôt.

Les Highland games, ou comment vibrer au rythme des hourras dans la froideur des landes écossaises

Un prétexte à convivialité farceuse

Les Higland games plantent avant tout le germe d’une revendication de l’âme écossaise, âme aux feuilles épineuses. Toutefois, s’ils ont pu être assez patriotes et chauvins, ils sont plus aujourd’hui l’occasion de spectacles traditionnels, d’orchestres amicaux, de bals et autres amourettes où le jeune Fergus ira certainement se déniaiser auprès de la belle Moyra, prouvant ainsi, une fois n’est pas coutume, qu’il n’a pas froid aux pompons du kilt.

Ces représentations renforcent probablement un sentiment d’unité qui se délite de plus en plus, en témoigne le dernier référendum sur l’indépendance du pays, mais drainent également un nombre considérable de touristes ébaubis par tant d’acharnement. C’est ainsi qu’aux agapes et buffets d’antan, où trois porcs par personne relevaient d’un bon compromis, puisque ceux qui n’en mangeaient que deux pouvaient en donner un à ceux qui en mangeaient quatre, se sont substitués petit à petit des buffets décorés flattant le palais du visiteur. Seulement, l’espiègle esprit écossais a ici aussi frappé une fois de plus, en saupoudrant ces buffets de spécialités culinaires locales. Chic, direz-vous !

Ce n’est pas la réaction que le connaisseur jugera la plus appropriée, tant l’art culinaire scottish est marqué du sceau de l’ésotérisme papillaire. Nous dirons donc pudiquement que ce n’est pas le pan culturel écossais le plus saillant, compte tenu de sa réputation aussi lustrée qu’une godasse de cantonnier. Pour ne citer qu’une spécialité retenons l’illustre haggis (prononcer « haguiche ») dont on ne manquera pas de s’interroger sur la consonance avec le terme français. Le prestige de cette préparation l’a poussé jusque dans nos contrées reculées où nous la nommons en ces termes bucoliques : « panse de brebis farcie ». Cette panse si chère à Jacques Bodoin qui déclama à son sujet un délicieux morceau d’humour, citant presque le mot de Cambronne après le premier coup de fourchette : « au début, j’ai cru que c’était de la crotte ; ensuite, j’ai regretté que ce n’en fut pas« .

Toutefois n’aboyons pas au loup, car aux plats succèdent par voie de politesse les boissons. Et là les horizons s’éclairent. En effet, lors de ce type de représentations déployant autant de testostérone qu’une légion d’uruk-haïs impatients devant un gouffre de Helm aux archers taquins, le lait de chèvre ne tient pas vraiment lieu de potion magique. Les tonneaux de whisky sont mis en perce et certains coachs dépités en ingurgitent à s’en faire péter la sous-ventrière, jusqu’à ce qu’on les range avec les autres, au fond de la cave, à bonne température.

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Des compétitions placées sous le signe du goitre et de la ballerine

Ravissant tous les tapés de musique celtique, les concours musicaux mettent aux prises des bands de cornemuse, exhibant les hypertrophiés de la glande tyroïde que la seule greffe d’une flûte au creux d’un quelconque orifice suffirait à métamorphoser en biniou ambulant. Ce sont là les preux de la cage thoracique, les braves au souffle ardent qui accompagnent en fanfare les valeureux lutteurs et autres danseurs endiablés.

Car l’un des évènements de ces compétitions, trop méconnu de nos cultures latines, reste la danse des Highlands. La fulgurance des mouvements émerveillera l’aficionado pour mieux étourdir le néophyte. La plus célèbre d’entre elles répond au doux nom de « danse des épées » et consiste à effectuer une pétillante chorégraphie de la voûte plantaire aux codes impénétrables autour de deux épées disposées en croix. L’endurance et la résistance des petits pédestres sont les maîtres mots de cette épreuve incroyablement physique.

Pour finir, les tambour-majors s’affrontent eux aussi dans leur catégorie, vibrant le caisson d’une foule aux anges devant les rythmes si particuliers de la diaspora celtique.

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Quand avoir la carrure d’une barrique de 110 litres ne suffit plus

Les épreuves sportives contiennent un florilège de pratiques pittoresques dans lesquelles se sont affrontés au fil des siècles les fils des clans désirant prouver leur hardiesse.

À l’intersection du lancer de marteau (12,7 kg) et du poids en longueur (poussant jusqu’à 25,4 kg) se trouve en bonne place celui du poids en hauteur (25,4 kg également) que les meilleurs sportifs arrivent à faire passer au-dessus de la barre de 5m (5,82m pour le détenteur du record du monde, Mike Zolkiewicz, en 2013). Voir ces ostrogoth rougir comme des feux de forge pour glaner quelques centimètres est une expérience bien déroutante lorsqu’on y assiste, au cœur d’un tonnerre de hourras éthyliques, penaud, pour la première fois de son existence de citadin roulant en vélib’.

Une de ces épreuves draine nombre de spectateurs et pour cause, elle dégage autant voire plus de poussière qu’une vendetta des Expendables contre Pablo Escobar. Il s’agit du back-hold, la lutte écossaise, se jouant en trois manches gagnantes, où les deux participants débutent le combat en enlaçant leur adversaire. Ils ne doivent en aucun cas désolidariser leurs mains, jointes par conséquent dans le dos de leur concurrent. Le premier devenant hémiplégique pour cause de cervicales raccourcies a perdu la partie.

Le tir à la corde tient lui aussi bonne place parmi les oppositions reines. Toutefois l’épreuve phare reste à n’en pas douter le caber, le lancer de tronc, où les compétiteurs doivent projeter un tronc aussi lourd qu’une enclume de forgeron sourd, d’une hauteur moyenne de 5 mètres, afin qu’il retombe à la verticale sur le bout opposé. Il s’agit donc de lui faire effectuer un demi-tour complet, le tout sans renifler ni beugler « Pays de Galles indépendant ». Sachant que le poids moyen de ces damnés bouts de bois avoisine le demi-quintal, il n’est pas surprenant de voir les Golgoth en action souffler comme des percherons en hissant leur tronc d’arbre. Mais on ne s’inquiète guère pour ces malabars aux épaules taillées dans un menhir, ils semblent avoir la charpente adéquate à ce genre d’offices, puisqu’au vu de leur carrure ils ne sont sans doute pas les derniers à aller se coucher lors des gueuletons dominicaux.

Si ces sports font la part belle aux attributs virils et poisseux, les compétitions ont été ouvertes à la gente féminine au XIXe siècle et celles-ci trustent allègrement la vedette de plusieurs compétitions, en particulier celles des danses où il est plus question de dextérité que de force rustaude. Un équilibre naissant s’installe donc dans les sillons de ces jeux couleur locale, où éclosent chaque année de nouvelles passions culturelles, où s’illustrent des titans à taille de bûche au sourire sincère, où, comme le clame le dicton : à cœur vaillant rien d’impossible.

By Flarration Ruthal

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