L’ancienne pépite du Real Madrid Luka Dončić a trois mois de NBA dans les jambes. Pourtant, il pourrait déjà participer au match des étoiles.

Dans un mois, Luka Dončić pourrait être un All-Star, à défaut d’être devenu en seulement quelques mois une superstar de la NBA. Dans l’histoire, rares sont les rookies à avoir été sélectionnés dans une équipe All-Star dès leur première année. Parmi eux des noms comme Blake Griffin (2011), Yao Ming (2003), Tim Duncan (1998), Shaquille O’Neal (1993) ou l’inévitable Michael Jordan (1985). Les raisons qui pourraient nous faire croire à l’élection All-Star du MVP de la dernière EuroLeague sont certainement plus liées à sa nouvelle célébrité américaine qu’à son niveau de jeu depuis le début de l’année.

Depuis le début de la saison NBA, Luka Dončić a été fantastique. Le débutant slovène a cumulé une moyenne de 19,5 points, 6,7 rebonds, et 5 assists par match. Au-delà de cette polyvalence qui le place à la tête de quasiment tous les classements de stats des rookies, Dončić s’est surtout imposé, à seulement 19 ans, comme l’élément le plus important de la franchise texane, apportant dès ses premiers mois un impact déterminant. Récompense de ces premiers mois réussis par l’ancien joueur du Real Madrid, Dončić a été consécutivement élu Rookie du Mois novembre et de décembre de la conférence ouest. Début décembre, Dončić avait pris feu dans le dernier quart-temps face aux Houston Rockets, enchaînant 11 points d’affilés, rattrapant insolemment un déficit de 8 points pour permettre aux Mavs de s’imposer 107-104 face aux coéquipiers du MVP en titre. Le 24 décembre, il a complètement éteint le Moda Center de Portland alors qu’à 0.6 seconde du buzzer, il a réussi un trois-points impossible dans le coin pour arracher la prolongation. Malgré la défaite de son équipe au terme de cette prolongation, ce tir avait littéralement enflammé le #NBATwitter, propulsant Luka d’Européen surcoté à nouveau chouchou des fans de la ligue américaine.

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Dans une NBA où le tank est plus à la mode que jamais, les Mavericks pourraient, alors qu’ils se préparent à faire leur adieu à la légende allemande Dirk Nowitzki, décider d’être nuls volontairement pour récupérer un meilleur choix de draft l’année suivante. Luka Dončić a permis aux fans de Dallas de venir s’enthousiasmer pour leur équipe. Merci Luka. À Cleveland, les fans devraient avoir honte de leur franchise, qui après avoir enchaîné quatre Finals consécutives, est devenu l’organisation la plus ridicule de la ligue, légitimant tous les arguments défendant que cette équipe ne dépendait que de LeBron. À Chicago, les fans sont tellement dépités qu’ils se réjouissent des records personnels que les joueurs enregistrent chez eux, comme quand Klay Thompson enregistrait le record de trois points réussis en un match. Il était applaudi par un United Center qui assistait alors à une humiliation en règle de leur équipe. Enfin New York, Atlanta et Phoenix se battent à savoir qui sera le plus nul, dans l’indifférence générale de leurs fans. Dans ce contexte, Dallas étonne. À domicile dans l’American Airlines Center, les Mavs ont cumulé 16 victoires pour 4 défaites, un bilan excellent, meilleur que Golden State (17-6 à domicile), qui place les Texans parmi les meilleures équipes de la ligue à la maison. Les Mavericks sont aussi la pire équipe de la NBA à l’extérieur. Ce bilan mitigé, comme un symbole, nous fait réaliser que les Mavs ne seront pas assez solides pour lutter jusqu’au bout pour une place en playoffs dans un ouest ultra-concurrentiel, mais que malgré ces lacunes, ils jouent, se battent, et permettent à leurs fans de vivre une saison récompensée par quelques matchs palpitants.

Le prodige slovène, qui a rejoint le Real Madrid, est sans aucun doute la raison principale de la mentalité de sa franchise. Douté avant la draft, Dončić n’a pas tout de suite été pris au sérieux. Fiers, les Américains lui préféraient les joueurs puissants des cursus universitaires DeAndre Ayton ou Jaren Jackson Jr, ou le spectaculaire Trae Young qui dès ses années universitaires, cultivait volontairement une comparaison avec Stephen Curry. Le scepticisme des Américains envers les Européens s’explique probablement par le peu de visibilité et le manque d’intérêt pour les championnats européens, et par les ambassadeurs européens qui rejoignent chaque année les franchises américaines. Souvent, les amateurs américains de NBA se fient concernant les prospects européens à ce qui se dit dans les médias, dans lesquels les jeunes joueurs européens, moins présents que les universitaires locaux dans les projections de draft sont relativement boostés par des commentaires élogieux. Ces cinq dernières années, la NBA a vu débarquer des Européens talentueux. Lauri Markkanen (2017), sera l’une des pièces maîtresses de la reconstruction de Chicago, Damontas Sabonis (2016), (bien que très américain dans son parcours) fait partie des éléments majeurs des bonnes saisons des Pacers, Kristaps Porzingis (2015) fait assurément partie des futures stars de la ligue, tout comme Nikola Jokic (2014), star de la meilleure équipe actuelle de la conférence ouest qui lui avait seulement été drafté en 41e position. Enfin, 2013 a vu l’arrivée de Giannis Antetokounmpo aux États-Unis, lui qui sera indiscutablement dans la course au MVP dès cette année. Malgré le succès significatif de ces joueurs d’origine européenne, certains joueurs n’ont pas su se montrer à la hauteur des attentes placées en eux. Parmi eux, Dragan Bender (4e position, 2016), Jakob Pöltl (9e position, 2016), Frank Ntilikina (8e position, 2017), Mario Hezonja (5e position, 2015), font partie des Européens dont les performances dans l’élite du basketball n’ont pas encore été au niveau des qualités décrites avant leur arrivée.

Tim Cato, journaliste passé par SB Nation et correspondant des Mavs à The Athletic, m’a raconté au téléphone la chronologie américaine de la dernière star européenne. Malgré un scepticisme remarqué concernant le joueur du Real Madrid, beaucoup d’observateurs, qui pour la plupart avait suivi son épopée en EuroLeague couronnée par le titre européen et le trophée de MVP, le voyait être sélectionnée en première position. Pour Cato, la sélection de Dončić en troisième position est une « incompréhension », qui a selon lui rajouté un surplus de motivation au slovène qui voulait plus que jamais « faire regretter aux GMs de l’avoir snobé ». « Beaucoup de prospects évoluant en Europe sont sous-estimés par les fans de NBA américains. Mais Luka est un joueur qui arrivait ici avec des reconnaissances individuelles dans ce qui est pour moi la deuxième meilleure ligue de basket du monde. » Pas surpris de voir les performances dont Luka est l’auteur depuis le mois d’octobre, Cato voit quotidiennement la croissance d’une célébrité sensationnelle dont le slovène est le sujet.

L’irrésistible début de carrière en NBA de Dončić est également lié à la confiance en soi que le rookie dégage. Interrogé sur les doutes que pouvaient avoir certains observateurs avant la draft sur ses capacités physiques face à des joueurs confirmés de NBA, Dončić répond avec sûreté qu’il « connaît son jeu », qu’il « savait qu’il pouvait le faire ». Le 31 décembre dernier, face aux surprenants Thunder, il a scoré 25 points dans la victoire de Dallas, défendu tout le match par un certain Paul George. À ce sujet, Nowitzki racontait que lorsqu’il était arrivé aux États-Unis, il s’inquiétait de savoir « s’il réussirait dans la ligue », mettant en perspective son expérience personnelle avec celle des jeunes d’aujourd’hui, dont Luka, « qui savent déjà qu’ils vont réussir ».

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De cette célébrité américaine soudaine a découlé l’attention des médias. Et de l’attention des médias, Dončić a été le sujet de plus en plus de discussions dans les émissions NBA, et donc le sujet de plus en plus de questions aux acteurs de la NBA. Parmi les réponses obtenues, beaucoup de personnalités n’avaient que des louanges à délivrer au jeune slovène.

Stephen Curry trouve qu’il « a réussi s’imposer sur la plupart des matchs », « qu’il sera bien de le voir se développer en star ». Après son tir phénoménal face aux Portland Trail Blazers, Damian Lillard a déclaré à propos du rookie : « Quelque chose m’a dit que quand il a tiré, j’étais genre ‘cette m**** va vraiment rentrer’. C’est un très, très, très bon joueur, pas juste pour un rookie. » Après avoir également reçu des compliments de LeBron James, qui l’a notamment placé dans une liste de 8 joueurs avec qui il souhaiterait jouer, c’est Brad Stevens, coach des Boston Celtics, qui à son tour a livré ce qui était alors ses premières impressions de la sensation madrilène : « ils ont un freakin adolescent dans leur équipe ? Il doit vraiment être spécial. »

Dončić est un divertissement, le type de joueur pour lequel on veut payer un billet. Subtile, insolent, extasiant, il passe entre les jambes de ses adversaires, dribble ses défenseurs dans des situations compliquées, réussi des tirs improbables ou fait valser le défenseur de l’année en titre Rudy Gobert sur une feinte de passe, avant de tranquillement finir le travail d’un layup appliqué. À ce sujet, Nowitzki compare son coéquipier à un « matador », « il aime jouer avec les supporters, il aime les gestes spectaculaires ». Pragmatiques, les responsables des Mavericks n’ont pas attendu bien longtemps avant de déposer comme marque les surnoms de Dončić « The Matador » et « El Matador » à l’INPI américaine.

S’il est encore, et à juste titre, beaucoup trop tôt pour s’engager dans des comparaisons avec son coéquipier Européen et légende du basket mondial Dirk Nowitzki, il est intéressant d’observer que, comme son mentor allemand, Dončić fait parler de lui en popularisant un geste technique sur le terrain. Si Dirk est considéré par tous comme le maître des fadeway sur un pied, Dončić lui s’est affirmé depuis quelques mois comme l’insolent du stepback-3, confirmant sa préférence pour ces tirs difficiles en postant des memes de Drake sur ses réseaux sociaux.

En Luka Dončić, les Dallas Mavericks et leurs fans possèdent une superstar en puissance. Fantasque, efficace, et entrainant sur le terrain, agréable, drôle et connecté en dehors, le slovène parait posséder tous les atouts d’une future star américaine. Accompagné d’une légende, mentoré par l’un des coachs les plus expérimentés au sein d’une franchise singulière, propriété d’un boss loquace dans une partie des États-Unis légendaire, le futur de Luka Dončić est plus que jamais entre ses mains.

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