L’être ou pas… Est-ce une question ou un postulat ? C’est la réflexion à laquelle nous invite l’écrivain et scénariste Jean-Claude Grumberg dans cette courte pièce de 1 h 05 au gré de neuf impromptus. Le décor est sobre : un escalier blanc et noir. Le nombre de comédiens tout autant : ils sont deux à se partager la scène. Et pourtant, cette sobriété est au service d’une problématique humaine profonde : un individu tire-t-il son identité de son appartenance à une communauté ou a-t-il son existence propre ? Dans L’être ou pas, son auteur Jean-Claude Grumberg nous montre que la réponse n’est jamais en noir ou en blanc, jamais tranchée, ni catégorique. Selon les circonstances, la réponse change. Il en est de même pour la notion de radicalité. Il a abordé le racisme, le génocide, l’Occupation dans de nombreuses autres pièces. Pierre Arditi et Daniel Russo forment un duo remarquable. Ce sont deux voisins vivant dans le même immeuble et qui s’ignoraient jusqu’à ce que l’épouse de Daniel Russo lui demande d’interroger Pierre Arditi sur ce que c’est d’être juif.

Pourquoi Daniel Russo lui pose cette question à lui ? Parce que son épouse a vu sur internet que Pierre Arditi est juif. Ce qui le surprend car il ne s’est jamais revendiqué comme tel et qu’il prône plutôt une vie d’athée que de croyant pratiquant, de bon vivant profitant des plaisirs de la vie. Ah la magie d’internet ! Il revient en mémoire du spectateur le triste souvenir des fichiers répertoriant les juifs pendant la dernière guerre. Et la question de pourquoi lister des personnes encore aujourd’hui en fonction de leur appartenance religieuse et surtout celle-ci ?  Pourquoi le personnage de Daniel Russo s’autorise-t-il à poser cette question ? Du haut d’une prétendue supériorité ? Pour reléguer Pierre Arditi à sa  « triste condition » ? Pendant toute la durée de la pièce, le spectateur oscille entre sourire, rire, malaise ou tristesse. Les lieux communs, les paroles convenues sont énoncés au gré de nombreux quiproquos. Que celui ou celle qui n’en a jamais entendu, voire émis, lève le doigt ! Il faut bien se rendre à l’évidence : il ou elle n’existe pas ! La volonté ou la nécessité de mettre une étiquette ou de ranger par catégorie est inhérent à la nature humaine.

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Finalement,  même le personnage de Pierre Arditi, s’affirmant dans son refus d’être juif pratiquant mais en ne cachant pas le fait d’être juif, (ben oui, c’est sur internet !) revendique le fait d’avoir choisi de l’être. Et ainsi rendre dans cette catégorie d’individus ! Son voisin, Daniel Russo, finit par se convertir à la religion juive (était-il vraiment catholique ?) à la suite des recherches de son épouse sur internet et de la rencontre de celle-ci avec un rabbin américain. Il est totalement extrême dans son approche religieuse, tant dans son quotidien que dans sa pratique. A cent lieues de Pierre Arditi qui lui est juif par sa généalogie. Cette pièce a priori légère ne l’est pas du tout. Le titre qu’elle porte dans sa version publiée est « Pour en finir avec la question juive »…

Nous en sommes loin malheureusement et c’est vrai pour tout être humain, tant qu’il sera rassuré par le fait de catégoriser et de qualifier un individu par son origine ethnique, sa religion,  son milieu, son pays, etc.  Et surtout tant qu’il ne s’interrogera pas sur cette nécessité. Quels progrès a-t-on tiré du classement des hommes et des femmes au fil des siècles ? L’esclavage, l’apartheid, les génocides, les guerres de religion,,… ? Merci de nous avoir donné à réfléchir sur ce sujet le temps d’une soirée au Festival d’Anjou !

LDC

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