A quelques jours des Jeux Paralympiques, on a rencontré la star du handisport français, Marie-Amélie Le Fur. En athlétisme, la française de 27 ans est l’une meilleures au monde sur les épreuves de sprint et de la longueur. Amputée du membre inférieur, Marie-Amélie Le Fur s’entraine comme une força pour être au top dans sa discipline. Après 5 médailles aux Jeux Paralympiques dont une en or, elle tentera une nouvelle fois de faire pleuvoir les médailles à Rio
Bonjour Marie Amélie Le Fur, tout d’abord comment se passe la préparation des Jeux paralympiques ?
Marie-Amélie Le Fur: Plutôt bien, on était vraiment sur une bonne lancée avec un bon travail hivernal qui a bien payé lors de compétitions. J’ai eu une petite alerte avec une blessure qui est en train d’être soignée, mais rien de bien grave.
Est-ce que vous avez eu le temps de regarder un peu les Jeux olympiques malgré la préparation ?
Marie-Amélie Le Fur: Oui, j’ai réussi à regarder un petit peu, mais je ne me suis pas levé la nuit pour des questions de récupération. C’est important pour nous, car cela permet de découvrir les enceintes sportives et de prendre connaissance des difficultés qu’ont les valides à accéder aux lieux des compétitions. C’est une bonne mise en bouche et c’est très utile pour la préparation.
N’y a-t-il pas un certain stress en voyant les athlètes concourir et en se disant que dans 2 semaines ce sera à nous ?
Marie-Amélie Le Fur: Pas du tout, c’est un bonheur de voir des médailles françaises. On est plutôt impatient en les voyant, que les jeux débutent pour nous. C’est vraiment de l’émulation positive à regarder les JO à la télé.
Vous allez concourir dans 4 épreuves d’athlétisme, le 100, le 200, le 400m et la longueur. Y a-t-il un ordre de préférence, une hiérarchie ou vous visez une médaille lors de chaque compet ?
Non je ne vise pas l’or sur les quatre. On se fixe le titre sur la longueur et sur le 400m. L’objectif est d’avoir au moins une médaille d’or. Pour le reste, je tenterai d’accrocher le podium. Mais je viens d’abord à Rio pour me faire plaisir et donner le meilleur de moi-même.
Les objectifs par rapport à 2012 ont donc quelque peu évolué ?
Oui, on a changé le focus depuis 2012. Avec l’arrivée des doubles amputés, il est maintenant difficile de chercher le titre sur 100 et 200m. On s’est donc plutôt concentré sur la longueur et le 400 qui est plus ouvert et où je suis plus à l’aise.
Pour les personnes qui ne suivent pas forcément le handisport. Pourquoi l’arrivée des doubles amputés change la donne en sprint ?
Sur une ligne départ on n’a pas la même capacité physique. Les doubles amputés sont capables de développer plus de performances que nous et d’aller plus vite sur la même distance. On ne peut donc pas rivaliser avec eux.
Vous avez été victime d’un accident de scooter en 2004 qui a causé l’amputation de votre jambe gauche (sous le genou). Comment après cette épreuve en êtes-vous arrivée vers le haut-niveau ?
Ça s’est fait avec le temps et les entraînements. Quand j’ai repris (Marie Amélie Le Fur pratique l’athlé depuis ses 6 ans) je ne visais pas forcement le haut-niveau, mais petit à petit je me suis mise à battre des records et à faire des podiums. C’est en 2006 où j’ai compris que c’était possible de viser très haut. J’ai donc commencé à préparer les Jeux de Pékin. En 2010-2011, le niveau en handisport a vraiment passé un cap. C’est donc là que je suis devenue à part entière une athlète de haut-niveau avec toute la rigueur que cela nécessite.
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Justement avec cette pratique du haut-niveau, est-ce que par rapport à un athlète valide il y a des difficultés (outre celles financières et médiatiques) ?
Non il n’y a pas forcement de différence, ce sont les mêmes efforts et la même rigueur. C’est bien sûr différent techniquement quand on est un sportif handisport, mais les tenants et les aboutissants pour créer la performance sont exactement les mêmes.
Les Jeux paralympiques de Rio ont de gros problèmes financiers. N’avez-vous pas peur d’avoir une organisation un peu cheap par rapport à ceux de 2012 ?
Oui, on a un peu peur. On a aussi des craintes vis-à-vis du public. Comme on l’a vu pour la finale de la perche, ça siffle beaucoup dans les tribunes et nous c’est des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir en athlé. Il y a également la crainte d’avoir des tribunes moins remplies qu’à Londres. La condition du handicap n’est pas la même au Brésil avec des gens qui n’ont pas la même vision que pouvaient avoir les britanniques sur le handisport.
Justement, quelle était votre réaction en voyant Renaud Lavillenie se faire siffler lors de la finale et sur sa sortie médiatique ?
Pour quelqu’un qui aime le sport comme Renaud, ça doit être difficile humainement d’arriver dans un stade sous la bronca du public. Ça nous retire le plaisir de l’acte et du sport. Je pense qu’on lui a enlevé ce plaisir et c’est peut-être cette touche de magie qu’il a empêché de conserver son titre.
Vous avez l’air d’être assez proche de Renaud Lavillenie.
Oui je connais Renaud, car on fait notre première année de STAPS ensemble et je le croise sur plusieurs compétitions. À chaque qu’on a l’occasion de se voir on essaye de discuter. C’est quelqu’un que j’estime énormément, car je l’ai connu avant sa carrière et je vois ce qu’il est devenu.
Vous avez récemment lancé avec d’autres athlètes handisport, une campagne de crowdfunding sur Sponsorise.me réussie. Il est donc toujours difficile de trouver des sponsors malgré l’engouement médiatique de 2012 ?
J’ai la chance d’avoir personnellement de très bons sponsors qui m’accompagnent tout au long de l’année. Par contre, pour d’autres c’est plus compliqué. Niveau dotations, bien que tout le monde aura sa tenue Lacoste, les financements pour les tenues spécifiques sont inexistants. C’est donc à nous de les acheter et c’est pour cela qu’on a lancé cette campagne dans le but également de financer les frais des kinés pendant les Jeux. En revanche, la fédération nous a donné cette année plus de crédits pour nos stages terminaux de préparation.
Cette différence entre athlète valide et non valide en termes de dotations, vous ne le voyez pas un peu comme de l’injustice ?
Oui dans le sens où il y a le même investissement et le même degré de sacrifice que chez les valides. Surtout que médiatiquement, on est maintenant un peu plus visible. C’est donc un sentiment d’injustice et d’incompréhensions. On aimerait au moins avoir les mêmes tenues Asics que les valides.
Comment se passe la relation entre les athlètes de l’équipe de France paralympiques ?
On essaye de rester soudé car on sait très bien que le collectif peut sublimer les performances individuelles. Malheureusement, comme on n’a pas le budget qu’il faudrait, on n’a pas trop l’occasion de se voir au cours de la préparation même si on s’est rencontré à la toute fin.
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