Je pense qu’il y a déjà un bon nombre de questions que vous devez vous poser si vous n’avez pas connaissance de l’étendue des univers composant le monde de DC Comics. Avant toutes choses: C’est quoi le Multivers? Pour faire simple, imaginez que ce que vous vivez, les choix que vous faites et la personne que vous représentez pourraient posséder un équivalent dans un monde similaire au nôtre, mais qui serait différent de vous sur certains points. Par exemple, ce double au lieu d’être ingénieur comme vous (imaginez que vous en êtes un) serait aviateur. On se retrouve dès lors avec une personne possédant des caractéristiques similaires aux vôtres en tout point excepté le fait qu’elle n’est pas la même activité que vous. Maintenant, étendez cette idée là encore et encore en vous créant de nombreux sosies se différenciant de vous sur une ou plusieurs caractéristiques selon les critères que vous aurez définis (rappelez-vous que tous ces individus sont présents sur d’autres Terres). C’est bon, c’est fait ? Eh bien ce rassemblement de Terres (ou plutôt d’univers dans lesquelles elles évoluent) porte le nom de : Multivers.
De façon un peu plus rigoureuse, nous pouvons rattacher cette théorie du Multivers à celle du physicien Hugh Everett III (1957) portant le nom de Many Worlds Interpretation (Théorie des mondes multiples). Sans rentrer dans les détails scientifiques et autres calculs, cette théorie se base sur la scission qu’on retrouve lorsqu’une question se pose à nous ou qu’on est face à une situation avec plusieurs conséquences selon l’action réalisée. Par exemple “Où vais-je aller ? À droite ? À gauche ? Ou au milieu ?”. Il existe donc trois solutions possibles (soit aller à gauche, à droite ou au milieu). Et pour chacune de ces possibilités, il existerait un univers correspondant, avec le même individu différencié par le choix qu’il aurait fait (ici en tout il y aurait donc trois individus identiques, sauf qu’ils auraient chacun choisi une route différente).
Pour finir, voici la définition du terme de “Multivers” : Ensemble fini ou infini d’univers, parmi lesquels figure l’Univers jusque-là observé. (Le multivers est une hypothèse scientifique issue de la physique quantique. En science-fiction, on parle plutôt d’univers parallèles.)
Si vous voulez explorer un peu plus le sujet du Multivers cette vidéo explore les théories principales autour des mondes parallèles
Maintenant que vous savez ce qu’est un Multivers, il est temps de rattacher cette notion à celle mise en place avec la création de Multiversity. Vous n’êtes pas sans savoir que si nous parlons de Terres parallèles ici, c’est que le concept existe déjà chez les grandes maisons d’édition que sont Marvel et DC et cela depuis bien longtemps. Pour vous donner un exemple récent, vous pouvez retrouver des Terres parallèles chez Marvel avec le film Spider-man: Into the Spider-verse (ou Spider-man: New Generation en France) où vous pourrez observer les multiples Spider-Man qui jonchent le Multivers de chez Marvel (eh oui il n’y a pas que Peter Parker qui a reçu le pouvoir de l’araignée). Par ailleurs, mon humble personne a fait une mini-review du film sur Instagram que vous pouvez retrouver ici.
Du côté de DC, ce concept remonte à des dizaines d’années. Pour faire court, pour donner un coup de jeune aux personnages déjà existant, DC décida en 1956 de rebooter ses séries principales en créant des héros similaires à ceux existants déjà (Flash, Green Lantern …) en réinventant leurs origines et en leur fournissant des identités secrètes différentes pour la plupart. Nous avons donc deux types de héros, les héros du Golden Age (les héros originels de DC) et ceux du Silver Age (les “nouveaux” héros partageant les mêmes pouvoirs). Cependant, à cette époque DC ne s’est pas embêté à justifier la création de nouveaux héros portant le nom des anciens et “laissa couler” si je puis dire. Mais en 1961 avec le numéro 123 de Flash intitulé Flash Of Two Worlds, le scénariste Gardner Fox décide de faire se rencontrer les Flash du Silver et Golden Age. On peut dire que cet évènement représente le point de départ de la création d’un Multivers chez DC Comics qui connaîtra d’énormes changements au cours du temps.
Depuis ce jour, le Multivers de l’éditeur s’est complexifié de plus en plus et vous vous doutez bien qu’en plus de 50 ans le Multivers a connu bon nombre de transformations. Ces transformations sont souvent liées à ce qu’on peut appeler une Crisis. Ce sont des sortes d’énormes crossovers entre un grand nombre de séries, où la plupart (voir la totalité des univers parallèles se rencontrent) et où de multiples morts sont à déplorées à chaque fois. Ces Crisis en plus d’être des évènements marquants remodèlent encore et encore le Multivers, le faisant passer d’une infinité de Terres à une seule, d’une Terre à plusieurs, etc.
Avec un nombre aussi important de changements, il paraissait plus que nécessaire de constituer une sorte de guide actuel du Multivers afin de donner aux lecteurs des explications, voir des clefs de compréhension sur les transformations qu’ont pu connaître les univers existants (ou n’existants plus) de DC. C’est dans ce contexte-là que le scénariste Grant Morrison fait “son apparition” avec un bagage d’idées énormes pour aider à la tangibilisation du Multivers et des 52 univers qui le compose actuellement. L’idée étant (en plus de créer un guide) d’offrir une description détaillée de chaque monde et la possibilité à d’autres scénaristes d’exploiter les histoires racontées dans Multiversity pour en faire des séries de comics à part entière. Oui, car il est bon de stipuler que Morrison, pour créer cet ouvrage, raconte une histoire au travers de 9 numéros présentant un ou plusieurs mondes dans le détail (ou non) dans chacun d’entre eux.
C’est donc Grant Morrison (All Star Superman, The Authority, 52) qui relève de défi de clarifier le Multivers de DC en étant accompagné d’une tripotée de dessinateurs plus talentueux les uns que les autres dont Ivan Reis (Aquaman, Brightest Day), Jim Lee (Justice League, Uncanny X-Men) et Chris Sprouse (Tom Strong, Batman).
Synopsis : Le Multivers est composé de 52 Terres parallèles, chacune défendue par ses propres superhéros. Mais quand la Noblesse, une race surpuissante de créatures interdimensionnelles, décide de s’en prendre à l’intégralité de ces dimensions, les justiciers des différentes Terres vont devoir apprendre à agir de concert. Et leur seule arme pour communiquer entre eux se révèle être les comic-books !
Comme on vous le disait dans la partie précédente, Morrison compte une histoire au travers de 9 chapitres. Si le premier et le dernier se font échos, les 7 qui restent sont plutôt indépendants, mais restent connectés à l’intrigue principale à l’aide d’un outil tout particulier que vous devez connaître : des comics. En effet, l’idée présentée par Morrison est de dire que l’univers de l’un est la fiction des autres, cela signifie que les comics que nous sommes en train de lire au sein de Multiversity sont aussi ceux qui sont lus par les différents personnages de chaque univers. C’est par ce biais que l’histoire arrive à avancer malgré des intrigues qui pourraient paraître dissociées aux premiers abords. Par ailleurs, ce concept avait déjà été mis en place il y a bien longtemps avec Barry Allen (le Flash du Silver Age) qui s’était basé sur un comics Flash mettant en scène Jay Garrick (Flash du Golden Age) pour trouver son nom de héros.
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Au sein du récit, Multiversity représente le lieu de rencontre des héros et est appelé aussi le Palais des héros ou Valla-Hal. Comme le montre le synopsis, ici la menace présentée est une menace un peu lambda appelée la Noblesse qui veut soumettre l’ensemble du Multivers en prenant le contrôle de Nix Uotan, le dernier des Monitors. Si vous ne le savez pas, les Monitors sont une race de surhommes qui ont pour mission de protéger le Multivers et prévenir des différentes catastrophes qui pourraient arriver. Nix Uotan est le dernier des monitors dont le dernier protecteur du Multivers et se fait appeler désormais le Superjuge. Afin de se déplacer à travers les univers, l’un des moyens à disposition du Superjuge (et des héros par la suite) est l’Ultima Thule, c’est un vaisseau qui se sert des fréquences propres à chaque univers afin de passer de l’un à l’autre (à l’image des Flash qui peuvent la régler eux-mêmes pour voyager d’univers en univers).
Bon, trop de détails tuant le détail, il est bon de se recentrer et de vous dire en quoi le récit qu’est Multiversity, dans une certaine mesure, est extraordinaire. La force de Multiversity se trouve dans la multiplicité de références présente dans ce comics. En effet, on nous présente quelques univers “principaux” qui à eux seuls pourraient représenter une série à part entière (comme le voulait Morrison). Ces univers, en plus d’être extrêmement bien décrits avec le peu de pages à disposition, font référence à des histoires déjà sorties des années auparavant chez ladite maison d’édition.
La Terre 20 et la Terre 40 faisant allusion à la Justice Society Of America (et pas que) qui était publiée lors de l’âge d’or des comics (1938-1954) où on pouvait retrouver Docteur Fate et Vandal Savage (ennemi du groupe). La Terre 10 est un monde parallèle où les nazis ont gagné la Seconde Guerre mondiale à l’aide d’Overman (double de Superman ayant atterri en Allemagne juste avant le début de la seconde GM), elle fait quant à elle référence à la même Terre créée en 1973 dans les #107 et #108 de Justice League Of America. Rien qu’avec ces trois Terres-là on a déjà un paquet de références donc imaginez la quantité phénoménale qui doivent être présentes au sein de cet ouvrage.
Ce qui est aussi extrêmement fort de la part de Morrison c’est sa facilité à résumer l’ensemble des évènements marquants qui ont pu toucher le monde de DC en seulement quelques pages. Lors d’un chapitre primordial pour la compréhension du fonctionnement du Multivers, Morrison en profite pour mettre les choses au clair. En seulement quelques pages, il nous présente dans la foulée les différentes Crisis qui ont changé le Multivers, une carte permettant de visualiser comment se dessine ce planétaire (vous aurez d’ailleurs une édition détachable au sein du comics que vous pourrez accrocher fièrement dans votre chambre ahah) et ainsi qu’une présentation résumée de chacune des 52 Terres. Avec ça on a toutes les cartes en mains pour comprendre ce qui différencie la Terre 36 de la 49 et ainsi de suite.
C’est aussi un bon moyen pour Morrison de faire une critique de certains points qui touchent le monde du comics, mais aussi la société en général. Par exemple lors d’une interview, il disait que la Noblesse (Gentry en anglais) représentait la gentrification. C’est un anglicisme signifiant que l’arrivée d’un nouveau groupe d’individus dans une communauté change la communauté elle-même (à l’image de l’arrivée du groupe de Rick au sein d’Alexandria dans The Walking Dead si vous préférez). Dans ce livre, The Gentry est l’incarnation des pensées négatives que nous avons tous en tête. Et dans le cas présent, elles sont tellement importantes qu’elles détruisent nos idées premières pour en prendre le contrôle, et les reconstruisent ensuite de la pire des manières.
Les membres de la Noblesse sont aussi un parallèle avec d’autres concepts dont les types de vilains pris à l’extrême (Intellectron, un Gentry, serait le type de vilain cérébral ayant tout prévu depuis le début). Du point de vue du monde réel, la Noblesse pourrait être l’incarnation de la bêtise humaine, l’ignorance ou encore la haine de l’humain. Bien entendu, ce sont les idées de Morrison et comme il le dit la manière dont on perçoit la Noblesse est sujette à interprétation (si vous souhaitez lire l’interview complète, vous pouvez la retrouver ici.
Malgré tous les points positifs que j’ai pu vous soumettre précédemment, le comics a aussi quelques points négatifs. Hormis, les numéros qui se font directement échos, j’ai eu l’impression (bien qu’ayant lu et relu Multiversity) de ne lire que des épisodes 1, c’est-à-dire des nouvelles histoires encore et encore (à l’image du DC UNIVERS REBIRTH) qui regroupe quasiment que des premiers chapitres de séries de la collection Rebirth). C’est assez gênant dans le sens où ce qu’on peut attendre d’un tel ouvrage est qu’il soit plus prenant. C’est comme avoir cette impression de regarder 1 pilote d’une série et être obligé de regarder 6 autres pilotes sans pouvoir visionner les autres épisodes.
De plus, il y a un autre problème qui se pose, vu la quantité incroyable de personnages qui sont présents et bien qu’il y en ait certains qui soient mis au premier plan, on n’arrive pas à s’attacher à eux. Finalement, on ressort de cette lecture avec cette sensation de ne pas connaître vraiment les protagonistes. Si je suis un lecteur qui a envie de lire une histoire intégrale permettant de me faire kiffer du début à la fin avec Multiversity je serai déçu. Cependant, Multiversity nous procure ce désir de découvrir certaines Terres plus que d’autres, mais cette joie à l’idée d’explorer un monde plus en profondeur est contrecarrée par le fait qu’on n’a pas la suite à disposition. On reste donc sur notre faim avec la quasi-totalité de chacun des numéros. On peut donc percevoir Multiversity comme un énorme teasing de ce que pourrait donner chacune des Terres présentées si elles étaient développées.
Hormis, le fait que cette histoire puisse décourager un grand nombre de lecteurs quant à la multiplicité des personnages présents et cette impression constante de lire encore et encore un numéro 1, l’incroyable contenu présenté dans le comics représente une véritable Bible pour un lecteur de comics DC lui permettant de tangibiliser le Multivers comme il se doit. Morrison réussit l’exploit de rendre digeste un récit aussi complexe, avec la possibilité de le complexifier plus vu le nombre de références présentes, et permet mêmes aux lecteurs avec le moins de bagages de se lancer dans cette drôle d’aventure.
[…] avec le principal – pour en savoir plus sur la complexité du multivers, je vous renvoie à cet article. Mais bref, nous ne rentrerons pas dans les détails de cette histoire dans cet […]