L’UEFA a décidé de créer officiellement la Ligue des Nations (Nations League en VO). Lancement prévu pour septembre 2018.

« Le football est un jeu avant un produit, un spectacle avant un business et un sport avant un marché ». Ces mots sont ceux de Michel Platini, alors fraîchement élu pour quatre années à la tête de la plus grande instance de football en Europe, l’UEFA. L’ironie de ces paroles réside peut-être dans le fait qu’il proposera, sept ans plus tard, la création de la Ligue des Nations. C’est alors son deuxième mandat et il pose les grandes lignes de ce projet, paroxysme du foot business.

La Ligue des Nations, c’est quoi au fait ?

L’idée du « Roi Michel » est donc d’entériner les matchs amicaux qui « n’intéressent personne ». Jusqu’ici, difficile de contredire le triple vainqueur du Ballon d’or. Et il faut croire que l’ancien président de l’UEFA a été entendu, puisque la Ligue des Nations a officiellement vu le jour ce mercredi 20 septembre 2017.

La Nations League est un tournoi international regroupant la totalité des sélections européennes. L’idée est donc, lors des années creuses – autrement dit dépourvues de Coupe du Monde et de championnat d’Europe – d’organiser un tournoi à enjeu avec à la clé quatre places qualificatives pour l’EURO de l’année suivante.

Ce championnat « géant » se déroule en deux parties sur un an. De septembre à novembre prennent place les phases de poule, puis en juin vient la phase finale. Cette « Coupe d’Europe grand format » laisse présager quelques matchs alléchants. L’idée a donc de quoi séduire les amateurs du ballon rond, en redonnant de la vie à des confrontations qui en manquent cruellement, faute d’enjeu. Mais est-ce réellement la seule motivation de l’UEFA?

« Football is business and business is business » 

Cette phrase de l’ancienne gloire du football néerlandais Rinus Michels a trouvé un écho encore plus fort cette semaine. Il est important de comprendre que le football, avec le temps, est devenu un business colossal. Euromericas sports estimait, en février 2016, les revenus liés au football à hauteur de 700 milliards de patates. Dès lors, il apparaît évident que ce sport est condamné à obéir à des lois purement économiques. Comme tout marché (y compris celui de la pomme de terre), le football innove et cherche à se réinventer, pour générer toujours plus d’argent.

L’exemple le plus récent est celui de l’EURO 2016 en France. Cette première édition au format « 24 équipes » (au lieu de 16 initialement), a permis à l’UEFA de constater une augmentation de 37% de ses recettes. C’est dire le flair de l’ancien numéro dix des bleus à qui l’on doit cette nouveauté. « Platoche » qui a instauré ce nouveau modèle semble avoir conservé toute sa vista. Après l’Euro à 24 donc, mais aussi la Coupe du Monde de la FIFA à 48 à partir de 2026, c’est donc la Nations League qui va voir le jour.

Exit les matchs amicaux dans des stades clairsemés. Exit aussi, donc, les buts des Marvin Martin, Julien Faubert et consort sous le maillot des bleus.

Désormais, place à la Ligue des Nations. Deux fois plus de matchs, dans des stades que l’on peut facilement imaginer combles, avec des droits TV renégociés à la hausse. Des profits toujours plus grands, donc.

Des matchs à enjeu, vraiment ? 

En lisant cet article, vous avez sûrement susurré la phrase suivante : « bon ces matchs, on les regarde ou pas? ». Pour répondre à cette question (légitime), il est nécessaire d’examiner l’enjeu de ces rencontres.

Soyons francs, il serait utopique de s’imaginer des matchs à très haute intensité comme lors des grandes compétitions internationales types Coupe du Monde ou Euro.

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Cependant, il est indéniable que les quatre places qualificatives pour le Championnat d’Europe, offertes aux demi-finalistes, auront un effet que l’on appellera « motivateur ». Mais celui-ci se verra limité pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, atteindre ce stade de la compétition impliquerait d’avoir joué un nombre de matchs considérables. Avec des calendriers déjà surchargés, on imagine mal les joueurs pouvoir tenir la cadence, d’autant plus dans des années post-CDM – que l’on sait toujours très compliqué à appréhender – physiquement et mentalement, pour les joueurs.

Joachim Löw, sélectionneur allemand, s’est indigné de cette situation : « la charge de travail des joueurs est incroyablement lourde. Le nombre d’équipes va augmenter en Coupe du monde des clubs, il va augmenter en Coupe du monde, il a déjà augmenté à l’Euro. Je pense que lorsqu’on a un bon produit et qu’on veut encore le rendre plus attractif, il serait peut-être bon de réduire ».

Il avait d’ailleurs, composé un groupe très remanié lors de la coupe des confédérations, cet été. On peut donc imaginer les grandes sélections, protéger leurs joueurs phares et aligner des onze (beaucoup) moins attractifs. In fine, assister à des rencontres de niveaux moins élevés que prévu.

De plus, les équipes ayant été éliminées prématurément de la Nations League auront droit à une « seconde chance » par l’intermédiaire d’une campagne de qualification plus traditionnelle, au format que l’on connaît aujourd’hui, moins éprouvant. Pas certain donc que le spectacle soit au rendez-vous.

Le philosophe français Edgar Morin disait : « À force de sacrifier l’essentiel pour l’urgent, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel ».

En remplaçant le « u » de « urgent » par un « a » on obtient la phrase suivante : « À force de sacrifier l’essentiel pour l’argent, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel. » Ces mots trouvent une résonance troublante.

En effet, à force de développer le football sur la base d’une simple logique économique, les instances de ce sport prennent le risque de rendre les matchs fades et sans saveurs. Mais surtout, de constater une lassitude chez les mordus du ballon rond.

Quant à savoir si c’est une bonne idée de regarder la Ligue des Nations, les fans de football devront s’inspirer du domaine culinaire. Le seul moyen de connaître la réponse sera de regarder la compétition. Après tout, comme en cuisine, on ne demande pas sa recette au cuisinier, on la goûte et on revient si elle est bonne.

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