Et si la conséquence principale des Football Leaks était la fin du fair-play financier ? Assez ironiquement, dénoncer les fraudes massives des plus grands clubs européens pourrait amener à la fin de toute tentative de régulation du marché des transferts.

Pour mieux comprendre le précédent, retour en 1995. À cette époque, les clubs du Vieux Continent ne peuvent compter que 3 joueurs non-européens dans leurs effectifs. Face à son transfert imposé par cette règle de l’UEFA, Jean-Marc Bosman porte l’affaire devant la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE). Elle donne raison au joueur, signifiant que les règlements de l’UEFA vont à l’encontre de la libre circulation des travailleurs entre les États membres de l’UE et autorise ainsi aux ressortissants européens de jouer où bon leur semble. Conséquence directe de ce jugement : le marché des transferts explose.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, si le PSG a déboursé 222 millions d’euros pour attirer Neymar, cela est en partie dû à Jean-Marc Bosman, footballeur belge moyen qui termina sa carrière en 4e division.

Deux clans face à face

La probabilité que la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) soit saisie se fait de plus en plus forte alors que Mediapart publie les articles des Football Leaks. Outre les révélations de probables malversations mêlant lutte d’influence, conflit d’intérêts ou blanchiment d’argent dans des clubs comme l’Excelsior de Mouscron, les informations tout au long du mois de novembre pourraient surtout être le début d’une bataille dans laquelle deux clans s’opposent.

D’un côté de l’échiquier, le PSG et Manchester City, principales cibles des Football Leaks, encourent des sanctions pouvant aller jusqu’à l’exclusion des coupes européennes s’il est avéré qu’ils n’ont pas respecté le fair-play financier. Face à cela, ils menacent donc d’attaquer ce règlement de l’UEFA devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

De l’autre côté, les clubs « historiques » font pression pour que des sanctions s’appliquent alors même que l’UEFA a couvert les irrégularités de certains transferts. L’enjeu pour ces clubs est de rester aussi peu nombreux que possible afin de restreindre au maximum les chances de voir les trophées les plus prestigieux remporter par des nouveaux venus. Pourtant, ces mêmes clubs ont profité d’un système bien plus libertaire pendant des années, résultat de leurs positions dominantes aujourd’hui.

Entrave au droit de la concurrence ?

Désormais, pour les clubs achetés après la mise en place du fair-play financier, investir librement devient presque impossible puisqu’une des mesures principales du texte stipule que « les clubs ne devront pas dépenser plus qu’ils ne peuvent générer sur une période donnée ». En d’autres termes, impossible d’acheter un club puis dépenser des millions sur des joueurs pour bâtir une équipe à partir de « rien ».

En l’état, il est impossible pour un club de mettre en place un cercle vertueux l’amenant au sommet de manière durable. En témoigne le club de Leicester. Champion d’Angleterre à la surprise générale en 2016, les meilleurs joueurs ont ensuite été rachetés à prix d’or par les grosses équipes du championnat anglais, renvoyant du même coup Leicester à sa place, en milieu de tableau du championnat.

Pour mettre fin à ce système, deux clubs sont en première ligne : le PSG et Manchester City qui ne parviennent pas à rivaliser au niveau européen avec les clubs « historiques », en partie à cause des limitations imposées par le fair-play financier.

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Football Leaks : la goutte d’eau

Pointé du doigt par les Football Leaks, le PSG laisse de plus en plus entendre qu’il pourrait attaquer le fair-play financier devant les tribunaux, à commencer par le TAS. Cible de l’UEFA depuis les transferts de Kylian Mbappe et Neymar à l’été 2017, le club de la capitale avait dans un premier temps échappé à toutes sanctions, avant de voir l’enquête réouverte, l’empêchant de recruter à prix fort et l’obligeant à vendre certains joueurs.

En réaction aux révélations de Mediapart, Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du PSG, a déclaré que « si cela dérange tellement qu’il faut que ces règles, qui avaient été définies, soient modifiées à nouveau pour nous contraindre… Alors peut-être qu’il faut arrêter d’être un bon élève. » En exprimant ainsi son ras-le-bol, le dirigeant annonce clairement qu’il n’entend plus faire d’effort, quitte à finir devant la CJUE.

Une crainte pour les instances dirigeantes du football, conscientes non seulement de la puissance des deux clubs (dirigés depuis les Émirats arabes unis pour le club anglais et par le Qatar pour le PSG), mais également des failles juridiques que présentent ces règles face au droit européen.

Une régulation injuste ?

Les graphiques ci-dessous (données de 2012) montrent les manquements du fair-play financier. Certains aspects n’entrent pas en ligne de compte, créant un déséquilibre non négligeable entre certains pays.
Fair Play Financier Fair Play Financier Fair Play Financier

Fair-play financier vs droit européen

La question qui se pose désormais est donc : le fair-play financier pourra-t-il tenir si l’affaire est portée devant la Cour de Justice de l’Union européenne ? Depuis le jugement sur l’affaire Bosman, le CJUE a par la même acté un fait : les clubs de football sont des entreprises comme les autres et leurs joueurs, des salariés disposant des mêmes droits que les autres employés au sein de l’UE. Ils sont donc jugés comme tels.

Or, selon une étude, le droit de la concurrence qui s’applique à toute entreprise semble bafoué, puisque le FPF empêche quiconque de s’endetter et impose de ne pas dépenser plus que ce qui rentre dans les caisses du club. Un moyen très efficace pour brider la concurrence et empêcher l’arrivée de nouveaux venus sur le marché, mais qui ne résisterait pas à un examen la CJUE.

S’il semble compliqué pour l’UEFA de l’emporter devant les tribunaux en cas d’un procès relatif au FPF, encore faut-il que le PSG, ou n’importe quel autre club, porte l’affaire devant la CJUE pour un procès qui ferait grand bruit et changerait à coup sûr la face du football mondial.

Si le consortium de journaliste a enquêté dans le but de dénoncer des abus, il n’est pas impossible que le résultat de leur travail mène à des excès difficilement imaginables aujourd’hui. Seule inconnue au tableau : un club qui s’attaquerait frontalement au FPF serait-il exclu de facto par l’UEFA des compétitions les plus prestigieuses ? C’est certainement la dernière chose qui retient les deux mastodontes à l’heure actuelle.

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