Une fois n’est pas coutume, nous nous sommes pour une énième fois viandés en beauté dans nos derniers pronostics. Matt Brown s’est fait arracher l’abdomen par le très anticharismatique Jake Ellenberger et Robbie Lawler a vécu une expérience de mort imminente lors d’une rencontre du 3ème type avec le poing droit de Tyron Woodley.
Maintenant pour notre défense, essayer de prévoir l’évolution du game ne serait-ce que d’un mois sur l’autre et aussi illusoire que de penser qu’on peut survoler une base militaire en ULM sans envoyer sa famille en taule sur 8 générations.
Si chaque sport défend évidemment son précarré (il suffit de demander à Google « the most unpredictable sport » pour qu’il nous sorte toute une fournée de disciplines, du baseball au golf en passant par les fléchettes) le MMA tient une place, à notre humble opinion, véritablement spéciale et c’est ce qui en fait tout son attrait. Voici pourquoi.
Bisping–Rockhold, GSP-Serra, Rousey–Holm, RDA-Pettis, Dillashaw-Barao pour ne citer que les combat pour le titre, ont littéralement causés des crises d’hystérie de masse parmi les fans et experts du sport parce que rien ne les préparait à une telle conclusion. Si vous suivez le sport depuis quelques années maintenant, vous avez perdu toute naïveté quand on vous dit qu’un combattant est imbattable parce que vous vous souvenez de Werdum pythonisant Fedor, ou encore du régicide de Weidman contre Anderson Silva. Vous ricanez même comme une belle enflure lorsqu’on vous soutient que tel combattant n’a « aucune chance » en vous remémorant des images de Gonzaga décapitant Crocop, ou celles de Dillashaw lâchant les chiens contre Barao. Bref, vous êtes blasé, relou et insortable. Mais ça ne vous empêche pas d’être dans le vrai, il n’y a dans le MMA aucune marge d’erreur et l’erreur étant humaine, rien dans ce sport ne peut être établi avec la certitude d’un PSG remportant la ligue 1 deux mois avant même que la saison ne débute.
Un sport avec autant de possibilités de finitions qu’il y a pages dans un Tolstoï est par nature berceaux de surprises, car propices aux spécialistes (magnifique c’te phrase hein ?). La lutte, le sol et le combat debout ne sont que des pilotis sur lesquels on peut se construire une baraque de la forme qu’on veut. C’est pour cette raison que l’adage le plus répandu dans le monde du MMA, que vous entendrez partout jusqu’à plus soif est « styles make fights » (un combat n’est qu’une affaire de style). Tyson disait à propos de la boxe « en Anglaise on compare la dextérité de ses mains avec celle de l’adversaire. Et pour faire simple, si ses mains sont supérieures aux tiennes alors tu n’es rien de plus qu’un cadavre ambulant. » Au MMA la menace peut venir de n’importe où et l’objectif de tout fighter est d’amener son adversaire en eau profonde dans SON secteur de prédilection pour les y noyer. C’est pour cela que même les meilleurs pratiquants au monde dans leurs disciplines respectives se cassent régulièrement les dents sur une table en marbre lorsqu’ils tentent de plonger dans le grand bassin. Les meilleurs exemples à ce jour étant Roger Gracie incapable de faire quoi que ce soit au sol à Tim Kennedy, ou encore CroCop mis KO par Kevin Randleman.
Si on prend une définition plus large, toute l’inconnue d’un combat est donc de savoir lequel des deux engagés arrivera à imposer son jeu. Avant que Matt Brown ne se fasse poncer l’anus de la première à la dernière seconde par Demian Maïa au sol, PERSONNE n’était en mesure de prévoir si ce dernier allait réussir ses amenées au sol et imposer son Jiu-jitsu d’élite contre quelqu’un d’aussi expérimenté, complet et affûté que Brown. Pourtant une fois le combat terminé il sembla d’une évidence absolue que les deux n’étaient même pas dans la même ligue.
Tout peut arriver et dans un sport ou la moindre petite erreur dans la prise de décision a des conséquences désastreuses sur la santé physique et mentale des combattants, le KO en est évidemment la matérialisation la plus spectaculaire : un être humain passe de « fonctionnel, confiant, pensant et ambulant » à « gisant inconscient en PLS sur le sol » en moins d’une seconde.
Ils peuvent subvenir à tout moment ; par exemple alors le combattant est lui même sur le point de sombrer comme Cheick Kongo (cocorico) contre Pat Barry, ou bien en point d’orgue d’une domination totale comme TJ Dillashaw enfonçant le dernier clou dans le cercueil de Renan Barao lors de leur première rencontre. Un seul coup bien placé peut changer complètement la donne d’un combat et aucun être humain normalement constitué n’en est à l’abri. Les soumissions quant à elles sont évidemment moins surprenantes puisque de manière générale (sauf clé de jambe volante chocapic sortie de nulle part #RyoChônanAndersonSilva) elles nécessitent plus de taff en amont. Au plus haut niveau la majorité du temps, les combattants ont tendance à simplement faire en sorte de nullifier le jeu de l’adversaire.
Mais ce qui nous intéresse plus encore que les finitions, c’est de savoir comment des experts peuvent s’être trompés de BOUT EN BOUT sur la manière dont s’est déroulée un combat.
https://www.youtube.com/watch?v=JebJ6RduIBQ
Les moments les plus bouleversants et inattendus de l’histoire du MMA (en dehors des images terribles que sont les pubs pour rasoirs de Wanderlei Silva) ont à voir avec la personnalité des combattants.
SUR LE MÊME SUJET :
Attendez attendez, écoutez d’abord :
Lorsque GSP a perdu contre Matt Serra, il venait de décrocher le titre en détrônant une pure légende (Matt Hugues) et Serra avait été choisi comme prochain adversaire en lice, à la demande de… ben d’absolument personne en fait. Personne d’ailleurs ne lui donnait une chance et les paris atteignaient des côtes en faveur du Canadien borderline foutage de gueule. Comme George l’avouera lui même par la suite, il s’est vu plus beau qu’il ne l’était, s’est convaincu de son invincibilité, a pris Serra de très haut et ne s’est pas entraîné correctement. Résultat, un TKO dévastateur au premier round. Silva a fait le clown et tenté de déstabiliser psychologiquement Weidman lors de leur première rencontre, blackout. Rousey sortait de plusieurs tournages de films à Hollywood avant son combat contre Holm et commençait à se préoccuper de son bankable-appeal, renoi BLACKOUT.
Contrairement au tennis par exemple, où l’athlète enchaîne les matches par centaine au cours d’une année, au MMA on ne combat en moyenne (au plus haut niveau) que 3 fois par an. Les enjeux sont donc dramatiquement plus élevés puisque chaque faux pas a des conséquences dramatiques sur la carrière du combattant. Chaque combat est un sommet émotionnel absolu pour les fans, qui n’ont l’occasion de voir leurs stars qu’au compte-gouttes. Un combat est donc crucial pour l’athlète, qui ne peut pas se permettre de faire la fine bouche sur la personne mise en face de lui. Cela conduit, à cause de blessures fréquentes à de réguliers changements d’adversaires, favorisant les surprises.
Mais surtout, c’est un sport qui ressemble de moins en moins à une méritocratie (on organise les combats non plus en fonction des classements, mais en fonction du revenu que ça peut générer, ce qui conduit à des rencontres dénuées de sens au niveau des rankings, situations encore une fois propice aux résultats inattendus) et ou il n’est pas seulement question d’être le meilleur à renvoyer une balle avec une raquette, il s’agit de domination physique pure et primitive et les conséquences d’une erreur sont impitoyablement instantanées. La marge d’erreur est quasiment nulle. Si le combattant ne s’est pas correctement préparé et n’est pas dans de bonnes dispositions psychologiques, la sanction est directe et gravissime. Soit ça marche, soit ça ne marche pas. On ne joue pas avec une balle ou des haies, on joue à crédit avec sa santé cérébrale et physique. C’est on ne peut plus réel.
Un combat de MMA reflète directement l’état psychologique d’un athlète, et c’est là un aspect que personne ne peut prévoir puisque personne n’a accès à la psyché profonde d’un être humain. S’il n’est pas dedans les soirs de l’événement, ou qu’il a une propension à craquer (alors que rien ne l’indiquait jusqu’alors), si le combat dure cela se verra immanquablement. Lorsqu’un combattant craque mentalement comme Conor contre Nate Diaz, alors c’est tous ses skills qui partent en sucette et sous 2 minutes l’Irlandais tapait d’un étranglement arrière.
La personnalité des combattants dans et en dehors de la cage est donc la variable principale qui à mon sens rend ce sport totalement imprévisible, tout simplement, car on est plus complètement dans le domaine du sport. De toute façon comme Nick Diaz aime à le répéter : « le MMA n’est pas un sport, on est bien au-delà. »
D’un autre côté c’est aussi ce qui rend les runs des champions encore plus légendaires. On parle de « mauvaises nuits », ou de « seconde d’inattention fatale », mais les champions, eux, n’en ont pas. Les combattants qui veulent minimiser les risques ne sont pas les mieux vus (Askren, Maia, GSP, Aldo), mais ce sont pourtant ceux qui obtiennent les meilleurs résultats.
Alors voilà, bordel de chtouille que c’était long, mais je crois que vous avez saisi notre point de vue, 3 facteurs : la nature du sport, la fréquence des combats et la personnalité des combattants. Et tout ça bien touillé pour pas que les bords accrochent, pour un cocktail explosif et la discipline la plus imprévisible de tout les temps.
Surtout, n’hésitez pas, si vous êtes arrivés au bout de ce satané article de ses morts à nous dire si vous avez une idée différente sur le sujet.
En « Bonus Track », la fameuse pub de Wanderlei, qui honnêtement devrait être enterrée à côté de déchets radioactifs
[…] et invaincue, Ronda Rousey arrivait à l’UFC 193 un poil trop sûre de ses forces pour affronter une autre combattante invaincue (à l’époque) : […]