5 février 2017 à Houston, Texas, les New England Patriots, légitimement favoris après une saison à seulement deux défaites et des playoffs sereinement maîtrisés sont opposés aux Atlanta Falcons, leaders de leur division et impressionnants en finale de conférence (victoire 44-21 face aux Packers). À la surprise générale, les Falcons atomisent les Pats en première période, d’une efficacité létale en attaque à une défense impénétrable, la franchise emmenée par Matt Ryan domine les Patriots d’un Brady jusqu’alors méconnaissable 28-3 au milieu du 3e quart temps.
28-3, 28-3, bientôt un an plus tard, il est certain que ce score hante encore les joueurs des Falcons, parce que oui, Atlanta a bien ruiné une avance de 25 points à un quart temps et demi de la fin du match. Si Tom Brady, a plus que jamais réaffirmé son statut de GOAT de la NFL, les Falcons ont été humiliés sur le terrain, et pendant toute une année sur Twitter, dans les stades, ou par les fans leur rappelant ce craquage total qui rappellera sans doute une équipe de sport humiliée dans la ville de Barcelone un mois plus tard.
L’année 2017 a également été marquée par la mort de l’ancien joueur des Patriots Aaron Hernandez. Condamné à perpétuité pour le meurtre de son ami Odin Lloyd en 2013, Hernandez s’est suicidé dans sa cellule en avril dernier. Quelques semaines plus tard, des recherches complémentaires sur son cerveau montraient une forme avancée de CTE, maladie neurodégénérative très souvent liée à la pratique du football américain. L’exemple tragique d’Hernandez a plus tard dans l’année été appuyé par une étude menée par Ann McKee, neuropathologiste, concernant 202 joueurs de football décédés. Cette étude a démontré que sur ces 202 joueurs, 111 de ces joueurs évoluaient en NFL et que 110 de ces 111 joueurs souffraient d’encéphalopathie traumatique chronique.
Cette étude a illustré un débat déjà présent depuis de nombreuses années aux États-Unis : la pratique du football américain est-elle trop dangereuse ? À cette question que se pose la plupart des jeunes parents confrontés au choix du sport de leur enfant, certains joueurs de NFL eux-mêmes ont apporté des réponses, pas forcément optimistes pour la NFL. À la suite de Steelers – Bengals, match particulièrement violent notamment marqué par la très grave blessure de Ryan Shazier, touché à la colonne vertébrale, Ben Roethlisberger avait déclaré de son fils :
« J’espère qu’il fera du golf. S’il veut jouer au football, c’est bien aussi, mais c’est un sport dur. Ce n’est pas pour tout le monde. » À propos du même match, l’ancien joueur aujourd’hui commentateur vedette sur Fox Troy Aikman avait lui aussi été dur à propos de son sport : « Ce match est difficile à regarder pour un bon nombre de raisons… terrible pour la NFL et le football américain en général. » Ces commentaires font de plus en plus écho aux États-Unis, et inquiète désormais parents, fans et même joueurs et anciens joueurs.
La liste de ces stars commence simplement par une star que la plupart des fans ont presque oubliée. Andrew Luck, le quarterback des Colts, blessé à l’épaule à répétition, le staff d’Indianapolis avait initialement annoncé son retour quelques match après le début de la saison, puis constamment retardé, ils avaient ensuite annoncé son indisponibilité pour la saison. Depuis, le deuxième joueur le mieux payé de la NFL est parti en Allemagne auprès du docteur Peter Wehling, qui avait notamment soigné le genou de Kobe Bryant il y a quelques années.
Dès la présaison, les Patriots perdaient l’un des héros du dernier Super Bowl, Julian Edelman, victime d’une déchirure du ligament croisé antérieur, indisponible toute la saison. Peu après le début de la saison, certaines équipes ont été marquées par les blessures de leurs meilleurs joueurs. Lors du premier match de leur saison régulière, les Kansas City Chiefs réalisaient un très gros coup en s’imposant clairement face aux Patriots, mais leur enthousiasme était vite douché avec la perte de leur meilleur élément, Eric Berry, victime d’une rupture du tendon d’Achille. Le 8 octobre dernier, face à des Chiefs à l’époque impressionnants, J.J. Watt sortait du terrain très ému par la douleur sont il souffrait à la suite d’une action défensive.
Le lendemain, le verdict tombait : fracture du plateau tibial. Celui qui a été élu Defensive Player of the Year trois fois ne refoulera pas les terrains de la saison, alors qu’un retour pour le début de la saison 2018-2019 n’est pas non plus garanti. Le même week-end, c’est la superstar des Giants Odell Beckham Jr. qui mettait un terme à sa saison après s’être fracturé la cheville contre les Chargers. Les Giants perdaient eux aussi leur meilleur élément, dans une saison qui s’est révélée cauchemardesque. Et puis une semaine plus tard, c’est au tour des Packers de perdre leur star Aaron Rodgers, victime d’une fracture de la clavicule. La courbe des Packers s’est ensuite effondrée et Green Bay ne jouera pas les playoffs pour la première fois depuis 2008. Si ce constat semble pour le moins cataclysmique, ces blessures qui ont ruiné ont été représentées par deux exemples marquants. S’il avait été le héros de la finale NCAA en janvier dernier, DeShaun Watson s’est véritablement fait un nom cette année en NFL.
Après ne lui avoir fallu qu’un match pour devenir titulaire, Watson a enchainé les performances de très haut niveau, pulvérisant plusieurs records de rookies. Le rookie avait reçu les éloges des meilleurs joueurs de la ligue, et avait même glissé son nom dans les conversations pour le MVP. Mais le 3 novembre 2017, le rookie s’est déchiré le ligament croisé antérieur lors d’un entrainement sans contact, mettant à son tour un terme à sa saison. Ainsi, le candidat le plus légitime pour tenir tête à Brady dans la course au meilleur quarterback s’appelait Carson Wentz. Auteur d’une saison exceptionnelle, Wentz a mené les Philadelphia Eagles au meilleur bilan de la ligue (actuellement 13-2), avant d’être lui aussi, frappé par la malédiction. Comptabilisant 33 TDs pour seulement 7 interceptions, il avait placé les Eagles dans la meilleure position à l’approche des playoffs.
Opposé aux Rams de Jared Goff lors du duel des deux sophomores tonitruants cette saison, il est sorti sur blessure à la fin du troisième quart temps. Victime d’une rupture des ligaments croisés, il ne rejouera pas avant la saison prochaine. Malgré toutes ces blessures, les playoffs resteront passionnants à regarder alors qu’aucun grand favori ne se détache à quelques jours de la fin de la saison régulière.
2017 a également, et surtout été marqué par la politisation de la NFL. Si les protestations de Kaepernick avaient commencé en 2016, l’ancien quarterback des San Francisco 49ers est devenu en 2017 un symbole. Free agent depuis le 3 mars 2017, Colin Kaepernick n’a pas retrouvé d’équipe, et il est désormais plus que probable qu’il ne remette plus jamais un pied en NFL. S’il était déjà évident que Kaepernick avait largement le niveau pour évoluer dans l’élite du football américain, cette théorie a été confirmée pendant la saison régulière.
L’hécatombe de quarterbacks cette saison a prouvé la volonté des franchises de boycotter l’ancien 49er. Les Buffalo Bills avaient eux préféré titulariser Nathan Peterman, auteur de l’exploit de concéder 5 interceptions en une mi-temps. Alors que Colin Kaepernick a inspiré des dizaines d’autres joueurs à protester contre les violences policières faites aux personnes de couleurs, le président du monde libre s’est exprimé à leur sujet. « Sortez ce fils de pute hors du terrain. » Ces mots prononcés par le président des États-Unis ont mis le feu dans la NFL.
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Historiquement beaucoup moins multiculturels que la NBA, ces propos ont provoqué indignation et discrimination décomplexée. Le weekend de ces déclarations, les protestations ont incroyablement augmenté, joueurs, staff et dirigeants se sont agenouillés pendant l’hymne, les Steelers avaient eux par exemple refusé de sortir du vestiaire pendant l’hymne. Et puis il y a les autres, symboles de l’Amérique blanche enfin soutenue par « leur » président. Si Jerry Jones a réussi, l’espace d’une soirée, à faire croire qu’il était du côté des protestataires, chassez le naturel comme on dit. Le propriétaire des Cowboys, l’America’s team, avait prévenu son intention de virer chaque joueur qui « manquerait de respect » à son drapeau.
Ensuite, Bob McNair, propriétaire des Houston Texans s’est lui aussi distingué, ne voulant « pas voir les détenus diriger la prison », en référence une nouvelle fois à des joueurs de nationalité américaine protestant pacifiquement pour des droits qu’ils estiment justes. Grâce au soutien de ces nombreux fans se réjouissant de voir Kaepernick loin de leur franchise, il est aujourd’hui facile de constater que ce combat a été remporté par les propriétaires. Mais au fond, Colin Kaepernick n’est-il pas le véritable vainqueur du son combat ?
Depuis le premier jour où Colin Kaepernick a posé un genou pendant que le Star Spangled Banner était joué, il n’a jamais perdu de vue ce qui était son véritable objectif. Contrairement à ce beaucoup de nous avons pu penser, être un joueur professionnel de football américain, gagner des millions de dollars chaque année n’était pas sa première priorité. Kaepernick a sacrifié une passion qu’il aimait profondément, pour venir en aide à une cause qui lui était plus importante, il a tenu sa promesse de donner un million de dollars à des associations, il a organisé des événements baptisés « Know Your Rights Camps », visant à aider les jeunes à rester loin de la délinquance, et à les aider à se comporter face aux policiers. L’œuvre de Colin Kaepernick a ensuite été reconnue par le monde entier, par la société américaine.
Si Barack Obama, ex-président des États-Unis avait toujours soutenu son droit de protester pacifiquement, il a également été soutenu par le rappeur J.Cole, Jay-Z, Kareem Abdul-Jabbar, Stephen Curry, LeBron James, des policiers du NYPD, et plus récemment il a reçu les honneurs de plusieurs organisations. Habitués à décerner en fin d’année des prix aux Hommes de l’année, le célèbre magazine américain GQ a cette année récompensé Colin Kaepernick, le « citoyen de l’année ».
Début décembre, il a également reçu, des mains de Beyoncé, le « Mohammed Ali Legacy Award », décerné par le mythique Sports Illustrated. Bien que ces récompenses ne constituent que des titres honorifiques, ils mettent en valeur la qualité humaine d’un athlète, dont les opinions ne sont que rarement prises au sérieux.
Pour ne pas se faire complètement dépasser par la NBA, la NFL doit capitaliser sur ce qu’elle fait de mieux
Tout n’est évidemment pas à jeter dans cette année 2017 en NFL. La compétitivité est restée à un niveau très élevé. La saison régulière nous a offert des matchs exceptionnels comme le duel entre Russell Wilson et le rookie Deshaun Watson, remporté par le vétéran 41-38, ou la victoire déterminante des Steelers face aux Packers (31-28). Le retour des célébrations géniales a également été un motif de satisfaction pour la ligue.
Nous avons également pu constater avec joie la reconversion du sorcier Tony Romo, capable de deviner avec une justesse époustouflante le choix des stratégies avant même que le quarterback prenne le snap. La NFL a l’avantage de pouvoir offrir ce qu’aucun autre sport ne peut proposer, avec les playoffs début 2018, les stades seront pleins, les ambiances au rendez-vous, et les matchs devraient être passionnants. Mais pour continuer d’attirer des fans et des jeunes pratiquants, la NFL va devoir se soucier plus sérieusement de la santé de ses joueurs, et réussir à contrôler la politisation de son sport, comme a réussi à le faire Adam Silver, bien que sa tâche soit plus facile que celle de Roger Goodell.
Celui-ci, ayant récemment prolongé à la tête de la NFL, devra justifier son salaire mirobolant et réussir à fédérer autour de lui une ligue plus que jamais divisé. 2018 nous dira si P. Diddy deviendra propriétaire des Panthers, avec Stephen Curry actionnaire de sa franchise de cœur, 2018 confirmera ou non l’avènement de nouvelle star comme Deshaun Watson, Carson Wentz, ou encore Jared Goff. En bref, malgré les nombreux problèmes qu’a connus la NFL en 2017, la ligue garde l’opportunité de la rendre à nouveau passionnante à suivre, et à faire parler d’elle en bien aussi bien sur le plan sportif que sur le plan extrasportif.
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