L’hiver Russe. Mondialement célèbre comme étant à lui seul une arme de dissuasion massive pour toutes les armées étrangères au cours de l’Histoire, c’est pourtant en plein Hiver que les Mongols de la horde d’Or choisirent systématiquement d’attaquer les villes du Nord-Ouest de la Russie pendant leur conquête du monde. Pourquoi ? Parce que lorsqu’il fait -30°C, les rivières et les lacs sont gelés. Et quand les rivières et les lacs sont gelés, la mobilité stratégique est facilitée pour les cavaliers. Oui, le genre d’armée CAUCHEMARDESQUE réfléchissant d’une telle manière et composé uniquement de guerriers d’une inimaginable robustesse a bel et bien existé, et elle a massacré tout le monde sur son passage.
Eut-il vécu à cette inimaginable époque, Stipe Miocic, champion du monde poids lourds de combat libre, aurait probablement mené ce genre de troupe lui-même. Prenez votre peau de Yack et vos rations de rennes séché, on part sur les traces du grizzly croate.
Croatie, combat libre. Quand on associe ces deux mots, la première pensée qui surgit généralement dans l’esprit de tout fan de MMA « pré-McGregor » est celle du destructeur originel, Mirko « Crocop » Filipovic. Ce dernier, légende parmi les légendes, restera pour toujours et à jamais la jambe gauche la plus meurtrière de l’histoire du sport. Pourtant depuis quelques années, le flambeau a été repris, et avec la manière, par un pompier de Cleveland : Stipe Miocic.
Né de parents croates immigrés aux États-Unis à la recherche d’une vie meilleure, Stipe grandit à Euclide dans l’Ohio avant de définitivement s’installer à Cleveland. Élevé par sa mère, il prend part à toutes sortes de sports et développe dès son plus jeune âge des compétences athlétiques exceptionnelles. Basketball, football américain, lutte ou encore baseball, il s’essaye absolument à tout ce qui lui passe sous les enclumes. Mais malgré son excellence dans chacune des disciplines auxquelles il semble s’adonner, il réalise n’avoir aucun réel attrait à devenir professionnel dans aucune d’entre elles. Pourtant, même dans cet état d’esprit il se hissera en première division NCAA de lutte pour Cleveland State, et en baseball (son sport favori de l’époque) il sera approché par des recruteurs de la MLB. Vous commencez à avoir une idée du genre d’athlète d’exception et du genre de Monsieur dont on vous dresse le portrait. Pourtant comme on l’a dit, il ne manifeste pas spécialement d’intérêt pour la poursuite d’une carrière sportive. Une fois qu’il en eut terminé avec son cycle d’étude à la Eastlake North High School, il décide alors de s’inscrire dans une formation paramédicale afin de devenir pompier.
Quelques années plus tard, la vie du pompier Miocic est partagée entre l’appel du devoir, sa petite amie (qui deviendra sa femme par la suite) et les cours de lutte qu’il dispense à des jeunes pour arrondir ses fins de mois. Mais un beau jour des amis lui proposent de venir prendre un cours de MMA, « juste pour voir ».
C’est ce moment que les Dieux de l’Olympe choisirent, pour poser leur divin zob sur l’épaule de Stipe. L’élu, ce serait lui. Suite à son premier contact avec l’Art du combat à mains nues, il tombe éperdument amoureux du sport.
(Note aux nouveaux arrivants : un « sparring » est un combat d’entraînement dans lequel on tente néanmoins de s’approcher des conditions réelles, tant au niveau de la puissance des coups que de leur vitesse)
Les premières semaines, passionné par ce nouveau sport dans lequel tous lui reste encore à découvrir, Stipe s’entraîne de plus en plus sérieusement et sa courbe de progression est hallucinante, bien soutenue par son tout aussi hallucinant background athlétique. Mais le véritable baptême aura lieu lorsque son coach Marcus Marinelli (avec lequel il est toujours aujourd’hui), conscient du gargantuesque potentiel du bonhomme, décide de lui faire passer le test du feu. « Aujourd’hui, tu sparres Stipe », lui annonce-t-il. Ce à quoi l’intéressé répond immédiatement, incrédule, « ouais ouais super, elle est bien bonne celle-là ! »
Pas du genre à reculer devant un challenge, Stipe accepte alors de monter sur le ring pour son dépucelage contre un adversaire bien plus expérimenté. Stipe avouera plus tard qu’il appréhendait quelque peu l’exercice ; « pourquoi voudrais-je me prendre des coups de poing dans la figure ? Ça va pas ou quoi ?! » se souvient-il avoir pensé.
Alors qu’il monte sur le ring, son coach réalise qu’il n’a même pas de protège-dents… Dans la catégorie « amateur », cliquez sur la vignette « pompier croate ». Stipe, au point où il en était chope sans faire de cérémonies le premier morceau de plastique qu’on lui mis alors dans les mains, tout droit sorti de la bouche d’un collègue à la mâchoire pourtant deux plus petite que la sienne. « Putain ça craint » lâche-t-il devant le round du condamné qui commençait doucement à se profiler…
Le sparring commence et Stipe se pointe comme une fleur, mains basses, n’ayant pas la moindre idée de ce qu’il est en train de faire. Il se passe alors ce qui se passe généralement dans ce genre de situation : il se mange un méchant crochet style « quinte flush » pleine balle dans la mâchoire. C’est une révélation. À ce moment où 90% des gens normalement constitués plongent vers les cordes, tournant le dos à l’adversaire et prient que ça s’arrête rapidement, Stipe le Fat Croate réalise alors : « quoi c’est ça ? C’est tout ? C’est tout ce que ça fait ? » Le déclic est immédiat, il prend alors la confiance et commence à balancer des droites de maçon polonais, sans aucune technique, mais avec une puissance déjà exceptionnelle développée par des années de lutte et de swings au baseball. L’ombre du champion commençait déjà à imposer sa présence. Et LÀ… Et lààà… Et là il finit par se faire salement déglinguer en low-kicks.
Attendez vous vous attendiez à quoi aussi ? On n’est pas dans ScoobyDoo les copains et les copines, un skillset rodé et complet ça ne se sort pas comme ça magiquement de la boîte à Suchards.
Bref, il refuse de s’avouer vaincu et prend alors tellement cher qu’il boitera pendant les deux semaines qui suivront cette première expérience en conditions semi-réelles. Pour son coach pourtant, c’est une réussite totale. Car le plus important est autre part ; devant l’adversité Stipe a montré l’étoffe d’un Champion. À la manière des Mongols de Gengis-Khan et de ses généraux, peu importe la rudesse des conditions et de l’adversité à endurer, SEUL COMPTE l’objectif à atteindre. Insubmersibilité mentale : check.
Stipe, sur les conseils avisés de ses coachs, prend alors une décision particulièrement intelligente et assez rare pour être soulignée à notre époque de l’instantané et du « tout, tout de suite » : il prend un an et demi pour travailler exclusivement sur sa boxe anglaise avant même de s’essayer à un premier combat professionnel, juste pour amener ses compétences de striker au même niveau que ses skills de lutteur. La décision, incroyablement avisée et judicieuse (« meilleure décision de ma carrière » dira Miocic lui-même) est très vite payante et Stipe devient champion Golden Gloves de Cleveland. Quand on vous dit qu’il est spécial…
En 2010, notre marteau glaciaire a vingt-huit ans et il dispute enfin son tout premier combat. En dix-sept secondes Miocic étalera son pauvre adversaire d’un missile qui le mettra KO en pleine course. Le mot peut alors d’ores et déjà commencer à circuler : avec notre homme, comme dirait Eli Roth dans Inglorious Basterds : « c’est en deux coups : j’te touche, tu t’couches ! ».
Un an et six combats plus tard, Miocic totalise déjà un palmarès de six victoires en six combats, pour six finitions. Inutile de dire que l’UFC ayant entendu parler de lui, les négociations ne s’éternisèrent pas en salamalecs. En moins de temps qu’il n’en faut pour cryogéniser Han Solo, il était aligné pour son premier combat chez les gros bras. Et pour sa première apparition dans l’octogone il est envoyé au casse-pipe face à l’infinissable (à l’époque en tout cas, maintenant le navire a un peu pris l’eau visiblement) Mexicain, Joey Beltran. Et si la domination est sans partage, la mâchoire du « Mexicutionner » ne faillira pas, et elle réussira à emmener notre Croate jusqu’à la décision.
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Sur les sept combats suivants, contre des adversaires de plus en plus terrifiants, il accumule un bilan de cinq victoires pour deux défaites. Si les chiffres sont honorables, ce sont surtout ces deux défaites qui changeront radicalement la vie, la carrière et l’approche psychologique adoptée par notre homme, qui n’a plus perdu un seul combat depuis.
La première défaite fait office de pince-monseigneur : contre Stefan Struve son menton, pourtant solide comme un Nokia, sera mis à rude épreuve et le combat se termine en KO technique (c’est l’arbitre qui décide d’arrêter le combat). Mais à la sortie du stade, une pensée, libératrice, le frappe encore plus fort que les coups de boutoir qu’il venait de subir des mains du géant Hollandais : le pire vient de se produire pour lui dans l’octogone, et pourtant sa petite amie est toujours à ses côtés, ses coachs et sa famille le soutiennent toujours autant et ses relations avec ses amis ne changent pas d’un iota… C’est à ce moment PRÉCIS qu’il adopte alors cette attitude qui deviendra sa marque de fabrique : il n’en a plus rien à foutre.
Libéré de la pression sociale et mentale que faisait peser sur lui la menace d’un résultat catastrophique, il réalise alors qu’il n’a plus rien à perdre. Et on a tous regardé beaucoup trop d’épisodes du Punisher pour savoir qu’un qui n’a plus rien à perdre est un homme dangereux. Dans des situations de tension extrême et de dramatiques enjeux, Miocic sera désormais froid. Froid comme un reptile. Froid comme la mort. Froid comme seule une poignée de combattants dans l’histoire ne le furent, et on parle pas des pâtissiers du coin : on parle de Fedor Emelianenko, Gegard Mousasi ou encore Igor Vovchanchyn…
La seconde « défaite » sera pour lui une autre révélation, il perd une décision extrêmement serrée contre le laboureur brésilien Junior Dos Santos après cinq rounds d’une guerre totale et absolue comme seuls les récits mythologiques peuvent en fournir. Pour notre pompier à temps partiel, c’est la confirmation, l’illumination ; s’il peut amener une légende comme JDS jusque dans ses derniers retranchements, alors il a ce qu’il faut pour devenir une légende lui-même.
C’est le début de l’Ère Miocic. Nous arrivons à destination, descendez de la luge et rajustez vos moufles.
Suite à cette défaite déterminante contre Junior, le Croate alignera cinq combats, pour cinq victoires, dont cinq par KO, contre cinq des meilleurs poids lourds de tous les temps. Mark hunt, Alistair Overeem, Andrei Arlovski… Aucun d’eux ne réussira à ne serait-ce que survivre jusqu’à la cloche finale.
Au milieu de cette montagne de cadavres, Miocic en profite pour ramasser la ceinture de Champion sur le corps encore chaud de Fabricio Werdum. Et dans la division poids lourd le bruit commence à courir : aucun mortel ne semble plus être en mesure de rivaliser avec notre Kratos Croate.
Entre Stipe et la concurrence, le canyon est creusé, et il a pris la forme d’une fosse commune. Mais comment est-ce que pourquoi ? Comment ça se fait-il ? Mais où est donc Ornicar ?
Et bien pour revenir à nos tactiques mongoles, son avantage peut-être le plus distinctif sur le reste de la meute, c’est son sang-froid. Il ne se lance jamais dans des échanges ou l’émotion prend le pas sur la raison et garde toujours une approche parfaitement calculée dans les situations pourtant les plus critiques. Il ne cède JAMAIS à aucune émotion parasite et garde une hallucinante distance avec la violence digne des massacres berserks et les extrêmes enjeux auxquels il prend part. C’est ce qui lui permet de placer par exemple, avec une effarante facilité et économie dans le mouvement, un contre absolument PARFAIT contre Fabricio Werdum alors que ce dernier a sonné une charge furieuse, sabre au clair, accompagné des chants guerriers de 45.000 supporters brésiliens pour défendre la plus prestigieuse ceinture de l’univers du combat libre mondial.
Son sang-froid et son calme quasi irrationnels lui permettent également de transcender tous ses attributs physiques et techniques. Sa boxe, tout en volume ressemble presque à celle d’un des frères Diaz, en un poil plus tendue pour aller avec la différence de morphologie. Son économie de mouvements et sa décontraction dans l’envoi des combinaisons, appuyées par des mains lourdes comme des enclumes lui permettent de tenir le même tempo sur un combat de vingt-cinq minutes en restant constamment dangereux. Il n’a besoin de forcer aucun de ses mouvements pour y injecter de la puissance de destruction. Et surtout, ne vous laissez pas berner par le fait que ses KO paraissent moins impressionnants que ceux d’un N’Gannou (au hasard bien sûr). Ils sont certes moins explosifs, mais quand vous avez devant vous un bonhomme capable d’envoyer n’importe qui au pays des rêves d’une simple pichenette… En ce qui me concerne, c’est bien plus effrayant.
À l’instar d’un Chuck Liddell au fait de sa gloire, il utilise principalement son background de lutteur pour maintenir le combat debout, et n’utilise cet avantage incroyable que pourraient lui conférer les takedowns que très rarement. Au sol, les témoignages s’accumulent pour dire que s’il n’est pas le « Kron Gracie » (un génie du jiu-jitsu dont le style est offensif à l’extrême) de la division poids lourd, sa défense en grappling est en revanche absolument impénétrable. Brendan Schaub, ancien poids lourd ayant également pris part à des compétitions de Jiu-Jitsu au plus haut niveau qualifie même Stipe de « cauchemar total à soumettre ». En témoigne cette évasion toute en souplesse d’une des guillotines les plus terrifiantes de l’histoire du MMA, celle d’Alistair Overeem.
Alors, ne vous laissez pas amadouer par ses vannes constamment foireuses, son rire de tondeuse engorgée et sa tête grosse comme une lanterne de phare. Parce que le 20 janvier prochain, alors que les hordes de fans semblent se ruer sur le train N’Gannou sans même connaître le nom de son adversaire pour le titre, l’Empereur croate passe le temps en jouant aux fléchettes sur les têtes empalées de ses cinq dernières victimes. Et croyez-nous sur paroles, « la peur » est probablement le DERNIER sentiment qui constitue en ce moment la psyché de Stipe Miocic.
S’il y avait à parier sur ce que ressent en ce moment le Champion poids lourd dans l’attente de sa pharaonique collision avec la machine à broyer camerounaise, vous seriez probablement plus proche de la réalité avec le mot : « impatience ».
https://youtu.be/ZiYMxvre7Pc
Cet article est un pur régal et son rédacteur un pur génie.
Ca fait trop de pureté pour, heureusement qu’il pleut,je cours me salir les mains.
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