Depuis qu’elle s’est installée dans le sud de la France pour donner un nouvel élan à sa carrière, la Britannique Katarina Johnson-Thompson s’est constamment améliorée, en remportant notamment les championnats du Monde en salle et les Jeux du Commonwealth consécutivement.

Désormais intégrée à Montpellier, elle s’entraîne chaque jour pour améliorer chacune des sept épreuves de l’heptathlon, sa discipline de prédilection. À un peu moins d’un an des championnats du Monde qui auront à Doha au Qatar, j’ai discuté avec Katarina Johnson-Thompson pour parler d’athlétisme, de la France, de Liverpool et de sa vie, à l’aube d’une nouvelle saison pour l’heptathlonienne de 25 ans qui se prépare pour de nouveaux challenges.

Après avoir décider de quitter le Royaume-Uni pour partir travailler avec les entraineurs renommés Bertrand Valcin et Jean-Yves Cochand, Katarina Johnson-Thompson a pris pour habitude de participer chaque année aux championnats de France. Elle qui avait déjà participé à l’édition 2017 à Marseille était présente encore cette année à Albi, aux côtés de sa partenaire d’entraînement et amie, Antoinette Nana-Djimou, elle aussi heptathlonienne. Si naturellement, Johnson-Thompson, également connue par son surnom KJT, ne peut être sacrée championne de France ne possédant pas la nationalité, sa licence au Montpellier Athletic Méditerranée Métropole lui permet de participer à ces championnats aux côtés des meilleurs athlètes nationaux.

Un mois avant les championnats d’Europe de Berlin, Johnson-Thompson était bien consciente du challenge auquel elle devrait faire face : « Berlin sera un peu différent, ça va être une compétition très dure, car les trois médaillées mondiales l’an dernier étaient européennes ». En effet, l’année dernière aux championnats du Monde d’athlétisme organisés sur son pays à Londres, la belge Nafissatou Thiam avait dominé l’heptathlon, remportant l’or avec 6784 points devant l’Allemande Carolin Shäfer (6696 pts) et la Néerlandaise Anouk Vetter (6636 pts). Après une cinquième place décevante à l’heptathlon, Katarina Johnson-Thompson participait quelques jours plus tard au concours de la hauteur, passant facilement les qualifications avant de terminer à une honorable cinquième place, sautant 1,95m en finale.

Cette année a été une bien meilleure année pour KJT, « géniale » comme elle la qualifie elle-même. Malgré une blessure au mollet qui a retardé sa préparation pour les championnats d’Europe, elle a remporté cette année le titre mondial en salle du pentathlon dans son pays à Birmingham et le titre à l’heptathlon aux Jeux du Commonwealth en Australie. Ces succès de début de saison ont permis à KJT de faire le plein de confiance avant Berlin, où il lui faudrait un heptathlon historique pour ramener l’or européen à la maison.

Dans le mythique Olympiastadion de Berlin qui avait notamment vu le coup de boule de Zidane sur Materazzi lors de la Coupe du Monde 2006, Katarina Johnson-Thompson a, en effet, réalisé un heptathlon historique. Enregistrant un nouveau record personnel avec 6759 points, elle a fait son entrée dans les 25 meilleures performances mondiales de l’histoire, échouant cependant à une prometteuse médaille d’argent derrière sa meilleure ennemie, l’époustouflante Nafissatou Thiam et ses 6816 points.

La compétition est un facteur essentiel de ce qui définit Katarina Johnson-Thompson en tant qu’athlète. Extrêmement talentueuse dans le saut en hauteur et le saut en longueur, KJT a déjà participé à des compétitions individuelles, mais n’a juste « pas aimé ça », « J’avais l’impression que c’était fini trop vite ». Pour faire durer le plaisir, elle a donc préféré la compétition sur deux jours : « J’aime simplement l’heptathlon, j’aime le challenge, les deux jours ». Les épreuves combinées mettent en avant la particularité de ces athlètes qui concourent les deux jours ensemble. Pour KJT, les athlètes « respectent l’immense travail » que nécessitent ces deux jours. Le tour d’honneur qui suit la dernière épreuve de ces épreuves combinées ne symbolise pas seulement le respect entre les athlètes, mais l’admiration du public pour un sport où ne serait-ce que terminer les deux jours peut être considéré comme une réussite. Katarina me confiait avoir parlé avec une amie sprinteuse qui lui racontait à quel point elle se sentait seule dans la chambre d’appel avant le départ des courses. En me racontant cette anecdote, Katarina a laissé échapper un soupir, suivi d’un sourire, réalisant à quel point elle aimait l’heptathlon.

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Déjà reconnue comme une athlète prometteuse dès ses années junior, la carrière de KJT a pris un tournant depuis son arrivée à Montpellier, un déménagement qu’elle considère comme un facteur déterminant de sa réussite. « C’est totalement une décision que j’ai prise après avoir visité les lieux », dit-elle à ce sujet. Convaincue par les infrastructures après une visite de quelques jours et une semaine complète à s’entraîner, Katarina s’est finalement dit « Ok, je vais rester ».

À propos de la vie à Montpellier, elle aime particulièrement la proximité entre le stade d’entraînement et le centre-ville, qui lui permet de vivre pas loin et de profiter de la culture montpelliéraine. Ici, « c’est complètement différent de l’Angleterre ». Elle qui est habituée à être interpellée dans sa ville natale de Liverpool n’est jamais reconnue à Montpellier, sauf quelques exceptions qui la font toujours sourire, s’étonnant de la notoriété qu’elle peut avoir en France. Elle aime en Montpellier la possibilité de mieux se concentrer sur son sport, admettant qu’elle est souvent plus distraite lorsqu’elle se trouve à Liverpool. Quand elle n’est pas sur une piste d’athlétisme, Katarina Johnson-Thompson se repose éventuellement dans son appartement, où elle aime passer du temps à regarder des séries comme Happy ! (Netflix) qu’elle conseille fortement ainsi que Killing Eve (BBC America), recommandée par sa meilleure amie. En dehors des séries, KJT aime beaucoup écouter de la musique, et n’a pas pu s’empêcher de sourire quand je l’ai interrogé sur Kanye West, m’avouant avoir tous ses albums : « C’est définitivement mon artiste préféré ».

L’un des challenges que Katarina Johnson-Thompson a décidé de surmonter en quittant l’Angleterre n’est pas forcément sur une piste d’athlétisme, mais dans la vie de tous les jours, elle qui est déterminé à apprendre le français. Concourir en France a parfois été déconcertant pour elle, notamment lors d’un 100m haies où après l’habituel « à vos marques », elle pensait avoir entendu « set » pendant que les athlètes à côté d’elle se levaient, la laissant seule dans les starting-blocks, réalisant que le starter avait demandé aux athlètes de se mettre debout. Malgré quelques rares incompréhensions comme lors de cette fameuse course, Katarina sent qu’elle « comprend énormément », même si elle ne se sent pas encore totalement à l’aise pour parler français, de peur de commettre des erreurs. Sa partenaire d’entraînement et amie Antoinette Nana-Djimou l’encourage constamment à regarder les séries en français avec les sous-titres en anglais, même cela semble plus facile à dire qu’à faire. L’envie de Katarina d’apprendre le français est un signe éloquent de son désir de s’intégrer en France, où elle se voit vivre pour encore un bon moment. De retour en Angleterre pour les championnats nationaux, elle s’était notamment fait chambrée par ses amis quand elle leur avait annoncé naturellement retourner « à la maison », en faisant référence à Montpellier.

Concernant ses inspirations dans le sport, Katarina Johnson-Thompson admet d’une sincère métaphore « avoir été en retard à la soirée », elle qui a regardé les Jeux Olympiques pour la première fois en 2008. Quatre années plus tard, elle concourrait pour la Grande-Bretagne aux Jeux Olympiques de Londres aux côtés de la légende de l’heptathlon britannique Thiam, qu’elle a pu voir de près triompher au Brésil, se disant qu’un jour elle se retrouverait à cette place. Pour se motiver, Katarina aime aussi regarder des vidéos inspirantes : « J’adore regarder les gens réaliser leurs rêves. J’ai regardé le documentaire sur Mike Tyson et je ne pouvais plus m’arrêter de pleurer. »

Naturellement, celle qui a grandi sur les bords de la Mersey ne pouvait pas passer à côté du football. « J’ai toujours été une grande fan de foot, je regardais Liverpool tout le temps. » Blaguant des chances de succès de la France et de l’Angleterre à la Coupe du Monde, KJT n’a pas pu retenir son large sourire en s’imaginant célébrer le sacre anglais dans les rues de Montpellier, le maillot des Three Lions sur le dos. Quelques semaines, les rues de Montpellier célébreraient en effet, mais pour rendre hommage aux héros nationaux.

Katarina Johnson-Thompson se voit vivre en France encore longtemps. Après avoir dû s’adapter à son nouvel environnement, les objectifs de ses coachs et leurs entraînements dans ce qu’elle qualifie être « une année de transition », elle sent que le meilleur est à venir. Malgré la longue attente avant de sortir le soir parce que « les Français mangent trop tard », Katarina se sent désormais à l’aise dans son nouveau pays. Sereine, apaisée, KJT sait exactement où elle va. Encouragé par une médaille d’argent et un nouveau record personnel à Berlin, Katarina Johnson-Thompson est sur le bon chemin pour poursuivre ses rêves de sacre mondial.

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