Et si l’UFC et plus généralement le MMA, abandonnait les rounds pour un duel sans interruption. Une hypothèse pas si stupide…

« Pas de pierre, pas de construction. Pas de construction, pas de palais. Pas de palais… Pas de palais » comme le synthétisait brillamment Amonbofis. De même on a l’impression que le MMA, sport encore extrêmement jeune malgré sa croissance foudroyante (le premier UFC, alors sans véritables règles ne date que de 1993), est dans sa forme la plus pure. Dans sa forme la plus optimale. Ainsi on pourrait penser que revenir sur certaines règles, enlever quelques pierres à la construction du Palais valant aujourd’hui 4 milliards de dollars, équivaudrait à repartir de zéro. À retourner à l’âge de Bronze.

MMA « Parallel Universe » Series - Et si on enlevait les rounds ?Vous avez dit « Cour des Miracles » ?

Mais une bonne partie de ces règles, comme le système de round et son modèle de notation à dix points, ont été héritées de la boxe anglaise pour permettre au sport d’être mieux accepté aux yeux du grand public. Alors comme dirait Georges St Pierre, légende interplanétaire du Game et Champion de MMA de son état : « pourquoi on essaye de faire comme la Boxe ? Nous ne sommes pas des boxeurs ! », et d’ajouter : « pas de rounds. Je pense que c’est stupide les rounds. On essaie de savoir qui sont les meilleurs ? Laissez les combattre ! (…) À l’époque, c’était la vraie manière de faire les choses ».

« L’époque », c’est l’UFC avant 1999, avant que le système de rounds de cinq minutes ne soit implémenté. Il n’y avait alors pas de juges, pas de limites de temps et un set de règles particulièrement limité (pas le droit de tirer les cheveux, de hameçonner la bouche, de taper dans les parties ou de mettre les doigts dans les yeux).

Mais après que le sénateur de l’Arizona John McCain, horrifié, ait essayé de tout faire arrêter en appelant les autres états à bannir les « combats de coqs humains », la recette dut être modifiée en profondeur. Et Dieu merci ils l’ont fait.

MMA « Parallel Universe » Series - Et si on enlevait les rounds ?En 2016, c’est bien CR7 qui vient gratter une photo avec Conor

Aujourd’hui le sport est au States en passe de rivaliser avec les grosses cylindrées comme le foot ou le basket. Le papyrus des règles en vigueur est long comme le bras d’un écartelé et certaines superstars comme Georges St Pierre ou Demetrious Johnson sont même citées comme exemples pour les plus jeunes.

« Vous aviez ma curiosité, maintenant vous avez mon attention » – Calvin Candy, Django Unchained

Mais maintenant que nous avons entre les mains un véritable sport, est-il possible de lui faire prendre son indépendance de la boxe et de ses règles sans pour autant retomber aux acclamés bains de sang du colisée. Certainement ! And it starts right now !

Ça commence par des combats sans coupures artificielles toutes les cinq minutes.

Attention on ne dit pas qu’il ne faut pas de limites de temps, car ce serait bien évidemment intenable. Imaginez une soirée ou tout le monde se sente pénétré par l’âme de Rocky : chaque combat dure quarante minutes, l’event dure onze heures sans pause pipi et on part probablement sur des crises d’épilepsie généralisées. Ce ne serait pas raisonnable.

Kazushi Sakuraba et Royce Gracie par exemple, après un défi légendaire lancé par ce dernier ont livré bataille 90 minutes sans continuer. Si on devait généraliser ce type de pratique en espérant la vendre en plus, laissez-moi vous dire qu’on part sur une business strategy à la Yahoo! …

MMA « Parallel Universe » Series - Et si on enlevait les rounds ?Sakuraba vs Gracie aka « le Retour du Duel Artisanal »

On reste donc sur du quinze minutes ou vingt-cinq minutes selon que la ceinture est en jeu ou non, mais en effaçant les arrêts toutes les cinq minutes pour laisser l’action se poursuivre sans discontinuer.

Premièrement le format serait plus juste pour les premiers concernés : les combattants. Car un ou une gusse en sévère difficulté peut aujourd’hui compter sur une divine intervention pour se sortir du pétrin sans même qu’il n’ait à essayer. La fin du round sonne, les deux combattants sont séparés, ils reprennent leur souffle pendant soixante secondes puis ils repartent debout à l’opposé l’un de l’autre de la cage. Si tu es spécialiste en grappling, que t’as turbiné comme un buffle pendant quatre minutes pour enfin réussir à passer dans le dos et que la cloche de fin de round retentit. Il y a comme un arrière-goût de dégueulasserie velours. Et c’est bien évidemment valable pour le ground & pound ou toute autre forme de traque ; vient à l’esprit l’épique, mais terrible Tim Kennedy vs Yoel Romero, au cours duquel le temps d’arrêt entre le second et le dernier round a complètement changé la face du combat, permettant à un Romero à l’article de la mort de revenir planter un KO à déraciner un chêne.

On implante dans les variables du combat un élément, indépendant de la volonté des deux fighters et pourtant susceptible d’altérer l’issue du pugilat. Pas cool.

MMA « Parallel Universe » Series - Et si on enlevait les rounds ?Quoi ? Qui me parle ?

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Deuxio le cardio, qui serait encore plus crucial et impitoyable qu’il ne l’est déjà, serait alors un facteur à part entière du combat. Il empêcherait en effet les combattants de « gérer au round par round », car beaucoup de gameplans deviendraient intenables (on pense à celui de Carlos Condit, mis en place pour « échapper » à Nick Diaz, beaucoup plus difficilement tenable sur 25 minutes d’affilée). Les ouvertures se feraient beaucoup plus nombreuses et les solutions définitives plus faciles à trouver, car sans la présence de notation au round par round on verrait également plus de prises de risques.

En clair, la manière d’aborder un combat serait entièrement modifiée pour les acteurs, pour coller au plus près à un combat dans sa forme la plus honnête.

L’effet kiss cool fascinant pourrait aussi être l’émergence, dans ces conditions d’un nouveau genre et au vu de l’excellence technique des combattants actuels, d’un nouveau morphotype idéal. En effet, il y a fort à parier que les frères Diaz par exemple, triathlètes professionnels, seraient absolument intouchables. Leur style, consistant à noyer leurs adversaires en les soumettant à un rythme pour eux intenable, deviendrait alors totalement TERRIFIANT. Car peu d’êtres humains seraient en mesure de les suivre jusqu’en enfer pour les y défier. Et ce n’est qu’un exemple, libre à vous d’imaginer de quelle manière pourrait se réécrire l’histoire.

MMA « Parallel Universe » Series - Et si on enlevait les rounds ?Kron, Nate et Nick (2, 3 et 4 en partant de la gauche) après une énième session « 40 bpm »

Et pour ceux qui répondraient que la santé des combattants est mieux maintenue en l’état… Pas si sûr. En effet un combat qui se termine en quelques minutes est en réalité beaucoup moins traumatisant pour le perdant que de se faire punir sans pitié sur trois ou cinq rounds. Les dommages sont moindres, un peu de la même manière qu’ils le seraient en boxe si on s’arrêtait au premier knock-down au lieu de permettre d’en reprendre deux ou trois à suivre.

Tertio n’oublions pas que le MMA est aujourd’hui un divertissement autant qu’un sport. Et dans un tel dispositif, l’expérience pour le spectateur s’en trouverait elle aussi radicalement changée. Plus compacte, plus organique, plus intense, plus vraie. Ce serait comme regarder « Dunkerque » par rapport à « la Chute du Faucon Noir » (AAATTENTION on ne dit pas que l’un est meilleur que l’autre, juste différent! #RidleyScottYouDaMotherfuckingMan). Car les coupures toutes les 5 minutes pour que les fighters récupèrent, c’est valable aussi pour ceux qui suivent la rencontre et s’y attachent émotionnellement.

MMA sans round Carlos Condit Robbie Lawlerl’image légendaire de Condit et Lawler, au bout de leur vie après 25 minutes de guerre totale

Le scénario d’un combat peut se résumer en termes de phases de domination, de rebondissements, de domaines où se déroule l’action. Mais tronçonner le combat c’est repartir de zéro toutes les cinq minutes. C’est presque voir trois combats différents, mais estropiés temporellement, car on ne sait jamais vraiment quelle aurait été l’issue de chacun des rounds. C’est presque frustrant à bien y réfléchir.

Bon bien sûr, ça va être tendu de faire accepter ça au grand public parce qu’il y aurait automatiquement un côté « on ouvre les portes de l’arène, on fait entrer les fauves, on referme les portes et on regarde chips en main jusqu’à ce que l’un snacke l’autre ».

Alors le Pride FC, coquins de cockers, avaient trouvé la parade parfaite: un premier round de dix minutes, et après on repart normal sur des rounds de cinq comme si de rien n’était ! #Beurre+ArgentDuBeurre+Beurette

Résultat, comme prévu le nombre de finitions au premier round crevait le plafond pour la satisfaction de tous les partis concernés sans pour autant écorner la crédibilité du sport. Et le tour était joué. Ça vaut le coup d’y réfléchir.

Mais finalement, honnêtement, est-ce que le plus gros problème dans tout ça n’est pas plutôt qu’on s’est attaché à ces petits moments Nutella entre les rounds, ces petits morceaux de vie ?

Comment se passer des interludes musicaux du délicieux Clay Guida ?

Ou des petites friponneries de Yoel Romero ?

Pas évident, je vous l’accorde…

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