Passé par Évreux, Le Havre et Besançon, Bruce Bowen est devenu une véritable légende de la balle orange aux San Antonio Spurs. Véritable pitbull, souvent à la limite, il jouera 8 saisons dans le Texas. 8 fois membres de la première ou seconde meilleure équipe défensive NBA et 3 fois champion NBA, son maillot est retiré par la franchise. De passage à Toulouse pour la seconde édition du NBA Hoops Factory Tournament, la légende a répondu à nos questions.
La Sueur : En ce moment, le problème « one-and-done » provoque de nombreux débats aux États-Unis. Pensez-vous que cela va attirer de plus en plus de joueurs en Europe, plutôt que d’être forcé à rester en université ?
B.B. : Vous savez c’est dur de le dire maintenant, parce que c’est un gros problème d’un point de vue économique. Certains joueurs vivent des situations compliquées et essaient de s’en sortir. Mais je pense que rester à l’université est la meilleure manière d’améliorer cette situation. Je pense que même après deux ans en université, les joueurs ne sont pas forcément prêts pour affronter d’éventuels problèmes qu’ils vont rencontrer en NBA. Je souhaiterais que ces joueurs restent trois ans à l’université, parce que je pense qu’ils peuvent apprendre de nombreuses choses, notamment apprendre à être des joueurs différents. Quand j’étais en France, j’étais un scoreur, mais je suis entré en NBA, la manière dont je jouais était beaucoup plus défensive. Aujourd’hui je trouve que beaucoup de joueurs sont inexpérimentés, et ne sont capables de jouer que d’une seule manière. Prenez notamment Derrick Williams drafté dans le Top 10, a déjà joué dans 5 ou 6 équipes. Anthony Bennett, n°1 pick, n’est même plus en NBA. J’ai du mal à comprendre, tu es le choix numéro 1, tu dois être capable de changer une équipe. Et je pense que la raison principale est qu’il n’a jamais appris les fondamentaux du basket, le jeu. On sait que des joueurs comme Jason Kidd, Steve Nash, ont un impact sans avoir besoin de scorer, que ce soit par la passe ou la défense. Il y a tellement de choses dans le basket que ces gars n’apprennent pas.
La Sueur : Est-ce que vous pensez que l’argent peut être un problème ? Notamment lorsque Ben Simmons s’était plaint de ne pas être payé, et a voulu quitter la NCAA le plus vite possible, est-ce possible de voir des joueurs tenter l’aventure en France pour gagner de l’argent plus rapidement ?
B.B. : Même s’ils viennent outre-Atlantique pour jouer, ça ne garantit pas qu’ils soient bons en Europe. Je pense que, plus particulièrement ici en Europe, il faut être plus complet. Je trouve que les Européens et les Sud-Américains ont appris à jouer d’une manière différente de la mienne. Passer, poser un écran, être toujours en mouvement, aller d’un bout à l’autre du parquet. Beaucoup d’entraîneurs rendent visite à des coachs comme Dean Smith (aujourd’hui décédé) ou Coach K, regardent leurs entraînements, et ramènent ça en France, en Europe ou en Amérique du Sud. Quand je suis venu en France, je ne parlais pas français, je ne parle toujours pas français. Mais le jeu, on pouvait communiquer grâce au jeu. Mais aujourd’hui si on ramène certains joueurs en Europe ils ne seront pas capables de communiquer parce qu’ils ont pris l’habitude de ne jouer que d’une seule manière.
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La Sueur : Vous nous parlez du jeu, et de comment on peut communiquer grâce au jeu sans parler la langue, pensez-vous qu’on puisse bientôt avoir un coach européen dans la ligue ?
B.B. : Regardez David Blatt, il a beaucoup coaché en Europe avant de venir en NBA. Je pense que oui, il y a beaucoup de coachs de qualité en Europe. Je me rappelle quand je jouais à Évreux, on parlait du coach de Limoges (Božidar Maljković), tout le monde aux États-Unis le connaissait. Ce n’est pas un problème de pays, ce qui est important est ce qu’ils ont appris du jeu. Il y a quelques années, Kobe et moi en parlions. Lui qui a grandi en Italie, il se rappelle des visites de Red Auerbach en Italie, ils ont eu l’opportunité d’apprendre des plus grands sur le basketball.
La Sueur : Comme vous le savez, le football européen est très déséquilibré avec des très bonnes équipes et des équipes bien plus faibles. Le système américain permet aux équipes « moins bonnes » d’obtenir les meilleurs choix de Draft. Pensez-vous, depuis les trades de Chris Paul et Paul George, qu’on s’oriente vers une course aux « superteams », quitte à avoir un déséquilibre important illustré par les Warriors/Nets ?
B.B. : Pour les Nets, je pense que c’est encore une autre histoire. Ils ont accumulé les défaites quand ils avaient KG, Paul Pierce, et Terry. Ça n’a juste pas marché. Je pense qu’avec ce qu’il se passe en ce moment, il y a beaucoup de jeunes. Et ces jeunes joueurs, il leur faut du temps. Donc on peut avoir de très bons jeunes comme à Philadelphie et ils vont certainement atteindre les playoffs l’année prochaine, et on entendra ensuite des gens dire : « Ah, ils ont besoin de quelques vétérans ». C’est comme ça que ça fonctionne, les gens veulent parler de superteams, regardez dans les années 80 et les Celtics. Vous aviez Bird, Parish, Johnson, Ainge, McHale, c’est impressionnant. Et ensuite à l’ouest vous aviez les Lakers, Magic, Kareem, Worthy, Cooper, Scott. Ce n’est pas quelque chose qu’on a jamais vu, mais vous devez trouver un moyen pour les battre. Quand on a joué les Lakers, ils avaient le Shaq, qui était tellement dominant. Ensuite on rajoute Kobe, Derek Fisher, Robert Horry, ça vous fait dire : « OK, il va falloir défendre, tout le monde doit être responsable. » Et on a été capable de faire ça, ce n’était pas qu’une question de : « Oh, on va devoir prendre ce mec de cette équipe ou ce gars de l’autre. » Mais à la fin tu vas devoir défendre, revenir aux bases, parce que l’attaque gagne des matchs, la défense gagne des titres.
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