Rencontre avec Petros Papahadjopoulos, un directeur artistique qui a travaillé avec les plus grands et pour lequel la magie opère toujours.

Chez La Sueur, nous nous sommes toujours intéressés à décrypter la vision artistique derrière les oeuvres musicales ou cinématographiques. Ainsi, derrière chaque réalisation se trouvent souvent des artisans de l’ombre, peu connus du grand public, mais qui sont pourtant au coeur du processus créatif. C’est ainsi que notre chemin a croisé celui de Petros Papahadjopoulos, directeur artistique dont la réputation et le talent l’ont amené à travailler avec les plus grands (Madonna, P Diddy, Prince…) et lui ont permis de connaitre quelques honneurs (nomination aux Grammys, nomination aux MVA…). Partageant son temps entre Los Angeles et le Royaume-Uni, Petros nous a accordé un peu de son temps pour parler notamment de certains clips qui ont marqué les esprits ces dernières années.

Tu as été impliqué dans le clip Guns and Horses d’Ellie Goulding, quel était le concept général derrière ce visuel?
L’amour est un champ de bataille. Cela peut l’être parfois. Quand tu te trouves en train de te battre, d’y mettre autant d’énergie, ton coeur devient abattu. Cette vidéo était à propos du fait de vouloir lâcher prise sur cette lutte. Il s’agit d’unir tes forces avec la personne avec laquelle tu te bats, pour enfin transformer ce champ de bataille en quelque chose de beau.

Quel(s) type(s) de conseils tu as donné à Ellie durant le tournage de la vidéo?
Ellie est une musicienne innée. C’était une des premières fois qu’elle performait devant une caméra. Donc, tu vois, il fallait la mettre à l’aise. Elle devait performer sans sa guitare, sans public, et toute cette fumée, ces zombies lançant des jambes partout….

Parmi les clips vidéo sur lesquels tu as été impliqué, il y a Levels d’Avicii. Dans cette vidéo, on est témoin de la journée ordinaire d’un employé d’une grande entreprise qui devient rapidement dingue, probablement épuisé par une vie routinière. Quelle vision artistique tu as voulu partager dans ce clip?
Avicii c’est le nom de l’artiste, mais c’est aussi le nom du 7e niveau dans l’enfer bouddhiste.  C’était le concept qu’ils m’ont donné, ça et un ascenseur.

J’ai commencé à réfléchir… qu’est-ce que le 7e niveau dans l’enfer bouddhiste et où cela serait de toute manière? Je n’en avais aucune idée. Puis cette pensée bouddhiste m’est venue en tête : On est peut-être déjà en enfer, mais on ne le voit juste pas.

Et c’est là que ça a commencé : Le gars dans le clip commence à réaliser qu’il est en enfer. Cela crée une liberté chez lui qui provoque son corps à danser. Il ne sait pas ce qui se passe au début. Et les gens autour de lui évidemment, toujours coincés dans leur vie monotone, pensent qu’il est fou. Totalement taré.

Finalement, il fait une découverte et se voit vivre sa vie pour ce qu’elle est. Il pousse un rocher sur une colline entourée par une vue majestueuse et des arcs-en-ciel, mais il n’a pas le temps de l’expérimenter. C’est le point culminant de la chanson, la seule fois où on entend Etta James chanter le refrain du morceau.

De retour dans le monde réel, son corps passe par des étapes d’illumination. Il a une fleur de lotus qui pousse de sa bouche, un symbole bouddhiste. Maintenant il est à l’hôpital, et les gens voient cela seulement comme une maladie folle qu’il a. Le tout commence à se propager comme une épidémie, ou du moins c’est ce que tout le monde pense. En réalité, il expérimente une illumination et c’est cela qui se propage, ce qui cause les gens autour de lui à danser.

Aujourd’hui, cette vidéo totalise plus de 260 millions de vues sur YouTube et à travers le monde, et a remporté plusieurs récompenses. Est-ce que tu t’attendais à une telle réponse?

Nous n’avions vraiment aucune contrainte budgétaire, mais je voulais vraiment tourner avec une bonne caméra.  Mon DP David Myrick voulait également tourner avec une belle caméra, évidemment. Il a dit qu’il y investirait son propre argent et accorderait des faveurs supplémentaires si je pensais que c’était le “bon” projet. Je lui ai dit, si tu dois rendre service, c’est cette vidéo sur laquelle tu devrais le faire.

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Dans Don’t Look Down, on voit un jeune et humble ramasseur de serviettes qui va essayer de paraître plus “cool” et qui ira au-delà de ses craintes pour attirer l’attention d’une femme. Comme dans Levels, on dirait que la question d’aller au-delà de sa zone de confort et révéler une facette inattendue de sa personnalité est vraiment importante dans tes vidéos. C’est vrai?

J’adore effectivement l’idée de l’outsider, la personne la moins capable, qui fait le taff. Ce n’est pas comme s’il gagnait ou s’il devenait subitement un héros. Ils laissent simplement leur empreinte et ils trouvent leur voix : ça je crois que c’est un thème universel. Et c’est également mon souhait pour moi-même par ailleurs.

À la fin de la vidéo, la belle femme finit avec le beau gars, tandis que le ramasseur de serviettes finit avec la ramasseuse de serviettes à ses côtés. Quel était ton message derrière ça?

Parfois, j’ai l’impression qu’on essaye un peu trop. Tu vois, t’as juste cette idée dans ta tête et tu vas en pilote automatique, jusqu’à ce que tu réalises finalement que c’était une erreur bête. Mais parce que tu as quand même essayé, tu finis avec quelque chose d’autre. Quelque chose d’inattendu, peut-être pas ce que tu voulais à la base, mais ce dont tu as peut-être réellement besoin en fin de compte.

Dans le clip vidéo de Waves qui a aussi été un succès massif, qui met en scène l’acteur James Penfold et la mannequin Victoria Secret Maryna Linchuk. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur ce clip?
J’ai eu un email me demandant d’écrire sur cette vidéo quand j’étais dans un taxi à New York. Une idée m’est venue en tête et je l’ai transmise par SMS au label. Peut-être 100 mots. Cela ne se passe jamais comme ça d’ailleurs – mais ils ont adoré l’idée. Tout s’est fait sur un SMS. Puis j’ai écrit le tout dans un format plus présentable et un mois plus tard, on faisait le clip au Mexique.

C’était un super lieu, un spot de vacances au niveau des Caraïbes. Tout le budget est allé dans le fait même de s’y rendre. Donc je n’avais pas d’écrans ou quoi que ce soit. C’était vraiment dur, et James qui a passé une journée entière à nager dans les vagues avec une caméra très lourde, essayant d’avoir les bons shots, et qui n’avait aucune manière de voir ce que je tournais…

Tu as été également derrière certaines publicités pour Microsoft (Microsoft Surface 4) et la compagnie Alcatel Lucent. Est-ce que c’est différent de travailler pour des entreprises que pour des artistes?
Les entreprises sont obsédées par le fait d’essayer de communiquer un message en le camouflant derrière un emballage attractif. Les clips vidéo, c’est juste… écoute et qu’est-ce que tu ressens.

Ceci dit, j’aime vraiment le processus des publicités, ça me force à expliquer tout ce que j’ai dans mon esprit parce qu’ils veulent savoir exactement chaque détail sur papier.

Au fond, tu te bases sur la créativité de l’agence. Un clip vidéo se base beaucoup plus sur la pensée du directeur artistique.

Quels sont tes prochains projets ?
Je suis en train de tourner, d’écrire des TV pilots et des projets de film. On verra ce qui en découlera.

Pour finir, quel conseil tu donnerais à tout jeune qui souhaiterait se lancer dans le monde des réalisateurs et directeurs artistiques?
N’attends pas de quelque chose ou de quelqu’un. Si tu aimes l’idée de tourner, prends la caméra et fais quelque chose de créatif. Vis ta vie aujourd’hui, tu veux demain. L’argent, les gros budgets, les célébrités avec lesquelles tu veux travailler : ils te trouveront toujours si tu fais du bon travail.

Merci Petros et bonne continuation.

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Tags Interview

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