À moins d’une semaine du début de la saison de Formule 1, Netflix a sorti un docuseries de dix épisodes : « Formula 1 – Drive to Survive ». Plongés dans les coulisses de la Formule 1, on y découvre des images rares, des circuits au siège social, jusqu’à l’intimité des pilotes et grandes figures du sport, cette dernière production Netflix est entraînante. En scénarisant parfaitement le monde de la Formule 1, le spectateur est immergé comme témoin privilégié au cœur d’une saison autour du monde, pour son plus grand plaisir.

La première impression qui se dégage après le premier visionnage du docuseries est agréable, elle fait écho au plaisir d’avoir, en regardant les dix épisodes, été plongé en plein cœur d’une saison de Formule 1.

Cependant, la concentration du documentaire sur certains personnages pose questions sur l’orientation que Netflix a sur certains sujets complexes de l’actualité du sport. Sur la rivalité Ricciardo – Verstappen, l’intimité que donne le pilote australien aux journalistes inspire de la sympathie, presque parfois un sentiment de soutien vis-à-vis de sa hiérarchie et Christian Horner, boss de l’écurie Red Bull, qui semble avoir pris fait et cause pour le jeune néerlandais aussi insolent que talentueux. Les choix pris par les protagonistes de la Formule 1 semblent plus clairs.

On comprend ainsi ce qui a poussé Ricciardo à choisir Renault pour la saison prochaine, alors en pleine rivalité sportive et politique. Impossible, non plus, de ne pas ressentir de la compassion pour le pilote français Esteban Ocon. Exemple type du pilote talentueux qui a progressivement gravi les échelons pour arriver enfin dans l’élite de son sport, son profil est un paradoxe total avec le business qu’est la Formule 1, symbolisée par les deux pilotes qui l’auront mis dehors, Sergio Perez, mexicain soutenu par le gigantesque Carlos Slim, l’une des plus grandes fortunes mondiales et Lance Stroll, pilote canadien fils de Lawrence Stroll… nouveau propriétaire de l’écurie Force India.

Drive to Survive : par son titre éloquent, le documentaire est scénarisé autour de la dramatique d’un pilote de Formule 1. Les plans, effets sonores parfois exagérés, ralentis mettent en exergue la difficulté d’être un pilote des véhicules les plus rapides du monde. Dans ce monde où les chaises musicales apparaissent à la fin de chaque saison, la pression de conduire pour garder son travail met en avant les caractères différents de ces 20 hommes, et leur comportement face aux situations de leur métier. On y remarque la grande rivalité, presque haine entre Kevin Magnussen et Nico Hülkenberg, où l’antipathie des deux pilotes est accentuée par la lutte sportive entre leurs écuries respectives.

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Tout cela disparaît subitement, dans des instants ralentis, presque arrêtés, quand le pilote est rappelé au risque principal de son métier, le danger. L’accident d’Hülkenberg à Abu Dhabi, ou celui d’Ericsson à Monza, sont des bulles, dans lesquelles on entre, comme pour se faire rappeler que le pilote risque sa vie à chaque instant. Ainsi, l’histoire s’arrête quand elle évoque Jules Bianchi, trop brusquement rappelé au risque de son métier. L’hommage émouvant, présentant le parcours de Bianchi et son étroite relation avec son filleul Charles Leclerc (qui suit exactement ses pas) permet de montrer qu’au-delà des luttes de pouvoir permanentes, des querelles personnelles entre pilotes, tout s’arrête face à la mort, regroupant tous ces salariés à une solidarité, avant d’oublier à nouveau la peur, et après extinction des feux, de repartir à 300 k/h.

Ce reportage au plus près des coulisses de la Formule 1 met aussi en avant un paradoxe intéressant. L’absence de géants et l’apparition de personnages. Mercedes et Ferrari, les deux plus grosses écuries du circuit, qui ont à eux deux remporté 17 des 21 Grand Prix de la saison n’apparaissent qu’à de rares moments et n’ont donné aucun accès aux caméras du documentaire.

Selon ESPN, Ferrari n’aurait pas réussi à trouver un terrain d’entente sur les conditions d’accès avec Netflix, alors que de leur côté, Mercedes aurait refusé les équipes de tournages, trop concentrés dans la lutte pour le titre avec l’écurie italienne. Par la voix du producteur exécutif du documentaire Paul Martin, Netflix a critiqué la décision des deux écuries, les accusant de « desservir leur sport et les fans ».  Naturellement, suivre la lutte pour le sacre entre Hamilton et Vettel de l’intérieur aurait été une énorme satisfaction pour n’importe quel fan. Mais en dépit de ce manque apparent, l’émergence de personnages moins connus est encore plus enthousiasmante pour le fan occasionnel de Formule 1.

C’est ainsi que l’on découvre le fantasque Guenther Steiner, directeur de l’écurie américaine Haas. À travers son portrait, on découvre un homme naturel, parfois trop (cf. « f*ck », « f*ck me » ou « f*cking hell »), qui par sa passion pour la Formule 1 la transmet à celui qui l’écoute. Capable de blaguer sur des sujets sensibles (crashs répétitifs de Grosjean), il laisse aussi entrevoir la pression du poste, lors notamment de l’échec incroyable de l’écurie pendant le premier Grand Prix de la saison à Melbourne.

En quête d’un regain d’intérêt après des années difficiles, la Formule 1 a beaucoup misé sur les réseaux sociaux ces dernières années. Pour eux, l’apparition de Netflix est une aubaine fantastique à exploiter au maximum. Alors que la chaîne officielle de la F1 propose régulièrement des vidéos YouTube pour promouvoir le spectacle dans leur sport (mêlant quizz entre pilotes, compilations de dramaturgie, des best-of de liaisons radio entre pilotes et ingénieurs), Netflix se présente, avec des moyens et des accès conséquents, en proposant aux fans de Formule 1 un film d’une saison, divisé en 10 épisodes thématiques concentrés justement, sur les moments les plus dramatiques de la saison. Bonne nouvelle, il semblerait que les équipes du documentaire aient été présentes depuis le début de la nouvelle saison, préparant un docuseries semblable pour l’année à venir. La Formule 1 gagne, Netflix aussi.

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