Le RC Toulon et le Racing 92 se disputeront le Bouclier de Brennus ce vendredi, on vous raconte ce qui va se passer.

Installation dans un siège d’une pâleur nacrée. Le coussin paresseux ploie sous le fessier trop sollicité par les curées de fin d’année et le trop-plein de houblon brassé, barrages et demi-finales obligent. La main se tend, machinalement, vers la commande à sustentation magnétique sur la droite. Activation de la libération gravitationnelle, régulation temponucléaire forte, pression sur l’interrupteur laiteux clignotant, deux fois, et roule Émile ! Immersion de l’astronef.

Nous voilà rendus dans un Camp Nou rempli comme un Teuton après un jour de foire, arborant dans ses travées maintes bannières rouges, acquises au voisin géographique. Mais le virage rivalise de liesse, brandissant au milieu des hourras une marée ciel et blanc prête à fondre sur la pelouse dans un immense ressac. Nous sommes vendredi 24 juin 2016, il est 20h44. Les capitaines s’envoient une poignée de main de charpentiers, à vous renvoyer jouer aux osselets avec un reste de phalanges.

8e finale en cinq ans pour Toulon, maître en la matière depuis l’ère Laporte, dominant la planète ovale comme jamais. Après leur victoire en top 14 en 2014, ils auront à cœur de se racheter une conduite, défaits en demi-finale par le Stade Français l’an dernier et en quarts de finale de Champions Cup cette année par, je vous le donne en mille : le Racing 92.

Ce Racing 92, qui n’a plus disputé de finale de top 14 depuis 1990 et une victoire face au SU Agen, a lui cette année à son actif une finale, malheureuse, de Champions Cup. Nous allons assister à une finale dantesque, entre deux grosses cylindrées du championnat français, vivier d’étoiles montantes et filantes, aux oripeaux de puissance et de hargne, qui n’ont pas franchement eu pour habitude de jouer comme des dentellières cette année. Les Franciliens, classieux et extravagants, ont revêtu des nœuds papillons roses au sortir du couloir, en clin d’œil à la dernière rencontre entre les deux clubs en finale de top 14, remportée en 1987 par les sudistes 15 à 12. Ils ôtent leurs fanfreluches avant de se positionner sur le terrain.

Le coup d’envoi de cette rencontre est donné par Dan Carter, sous le coup de sifflet de Mathieu Raynal, l’arbitre de cette rencontre.

2e : C’est Toulon qui pousse en premier, avec les gros. Mamuka Gorgodze, le golgoth de Tbilissi, redouble d’intensité dans ses charges et renverse le premier rideau adverse. Il ne trouve pas de soutien à hauteur et la guerre de tranchées peut reprendre.

4e : À force de faire le siège des 22 du Racing, les rouge et noir peuvent espérer au minimum une pénalité, mais le Racing, discipliné, est coriace dans les rucks et dur au mal. Le Roux, en coupe-jarrets, tient son poste et distribue les friandises.

5e : C’est finalement Toulon qui est sanctionné, Armitage le vénéneux s’écroulant pour une fois sur ses appuis alors qu’il tentait de gratter un ballon repris. Carter trouve une bonne pénaltouche juste avant les 22 adverses.

10e : Depuis plusieurs minutes, le jeu alterne entre occupation pédestre et charge de mammouths. À ce petit jeu, Tameifuna a déjà fait quelques ravages puisque Guirado est resté sur le carreau avant de se relever péniblement en grognant. Le jeu est terne et même Dulin ne parvient pas à faire parler les cannes lors de ses deux relances du fond de court.

12e : Halfpenny prend sa chance de plus de 40 mètres, excentré sur la gauche, suite à un déblayage dangereux du capitaine du Racing, l’indécrottable Dimitri Szarzewski, alias Aslan le cruel. Il s’élance, mais son coup de pied ne vaut pas un demi-sou et le cuir passe chatouiller le flanc gauche du H. Toujours 0-0.

Halfpenny RC Toulon

14e : À la suite d’un beau lancement de jeu, Goosen se joue de Bastareaud, peu mobile, pour redoubler avec Dulin qui est venu s’intercaler. Il fixe Habana et transmet pour Rokocoko ! Celui-ci met les gaz, mais se fait péter la gaufrière par Tuisova, qui ne s’est pas posé de question. Le ballon est repris dans la foulée par Habana. Le Néo-zélandais est resté au sol. Sortie pour protocole commotion pour Rokocoko (c’est la moindre des choses, le tampon de Tuisova aurait décorné un cocu Hollywoodien), remplacé instantanément par Marc Andreu, un autre artiste, dans un registre quelque peu différent.

16e : Naturellement, au sortir d’une mêlée écroulée dans le rond central, ça se chauffe les oreilles entre Machenaud et Pélissié, qui s’envoient quelques ramponneaux bien sentis. Carriza et Mikautadze viennent calmer les gosses.

17e : Carter, pas à son aise lui non plus, tape à côté. Fernandez Lobbe avait batifolé avec Le Roux dans les airs, en touche. Il va falloir régler la mire les p’tits gars !

19e : Chilachava concasse Ben Arous en mêlée fermée, lequel est poussé à la faute, à 33 mètres des perches. Cette fois Halfpenny débloque son compteur. Rugby Club Toulonnais 3, Racing 92, 0.

21e : Sur le renvoi, Tuisova se rate et c’est Imhoff qui en profite. L’astéroïde (en un seul mot) de Rosario rentre plein fer, venant mourir à quelques centimètres de la ligne, repris par Giteau, mais le soutien tarde ! Ballon repris par Toulon qui dégage dans la panique.

25e : À la suite d’une touche chipée en fond d’alignement, les Varois s’installent dans le camp adverse, mais les en-avant se succèdent. Le Racing renvoie les rares ballons récupérés au pied. On rentre dans une torpeur où les torpilleurs s’en donnent à cœur joie, mais où les ballons ne giclent que trop peu vers les extérieurs.

27e : Ce diable de Carriza s’accroche au cuir dans un ruck au centre du terrain et redonne la possession au Racing. Tameifuna fait parler la panse dans un premier temps pour fixer les lourds, puis c’est Masoe qui est envoyé au saloir. Il dépose Fernandez-Lobbe, qui tombe sur le popotin comme une rosière, et file sur trente mètres. D’une sautée majestueuse, il trouve Andreu, dont les guiboles de lapereau font merveille. Il fuse le long de la ligne et, avant d’être repris par Tuisova, sert Dulin venu à hauteur. Dulin, plaqué par Halfpenny, transmet d’une chistera filoute à Chavancy qui peut filer à dame ! Somptueux ! Essai du Racing 92, par l’enfant du pays, celui qui trempe le maillot depuis dix-sept ans déjà ! Les joueurs se congratulent, Dulin et Halfpenny échangent quelques mots, certainement pour se remémorer ce temps glorieux où ils se côtoyaient, statiques, affublés d’une barbe blanche et d’un bonnet rouge, au fond d’un jardin inconnu. Dan Carter transforme. Le Racing vire en tête, 3-7 !

34e : Toulon réplique presque aussitôt. Après un maul bien embarqué, mais stoppé à 5m, Armitage, intelligemment, cadre Le Roux et Szarzewski et transmet à Giteau. Ce dernier éclabousse le Camp Nou de son talent en mystifiant Carter puis Chavancy pour distiller une subtile passe du bout du crampon dans l’en-but ! Habana est à la conclusion pour aplatir devant Imhoff. Essai de Toulon ! Halfpenny passe cette transformation ardue, 10-7.

36e : Bête faute de Ben Arous en mêlée, complètement dépassé par un Chilachava des grands soirs. Giteau ne prend pas les points et tape en touche.

37e : Le maul pénètre, mais est bien défendu par des Racingmen solidaires dans l’effort. Nyanga récupère un ballon qui explose au contact et peut sonner la charge. Mais Carter dégage au pied pour tromper Habana et renvoyer le jeu au loin, en touche.

40e : Suite aux coups de boutoir répétés des bufflons varois, Tameifuna craque et ne fait pas acte de se dégager de la zone plaqueur-plaqué. En même temps on n’a jamais vu un char Patton faire du 2 secondes sur un 0-100m départ-arrêté… Halfpenny permet à son équipe de s’asseoir sur un petit matelas dans les vestiaires, 13-7.

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Mi-temps de cette rencontre trépidante, où les protagonistes se rendent coups de patte sur coup de patte et bourre-pif sur bourre-pif. Les ciel et blanc ont subi la puissance et l’organisation de leurs adversaires, réalistes, et n’ont que peu pu s’introduire dans le petit salon de leurs 22.

42e : Reprise sur des chapeaux de roues, Carter claquant un drop de 35 mètres sur la gauche, en angle fermé, après une domination stérile des siens et de longs temps de jeu ! Increvable talent ! 13-10.

45e : La gâchette de Christchurch a encore frappé ! Tameifuna cartouche épais devant, et Machenaud se faufile à sa suite dans l’interstice laissé béant par Fernandez Lobbe ! Il est repris d’un superbe costard-cravate deux pièces signé Mermoz-Armitage. Pénalité. Carter n’a plus qu’à dégainer son six coups et se polir la nive en voyant le cuir déchirer le ciel barcelonais. 13-13.

48e : Sur une élégante combinaison au centre du terrain, Goosen, intercalé et surgissant comme un beau diable, laisse échapper la balle. En-avant. Dans la petite confusion qui s’ensuit, il met un brin à Giteau qui est venu voir si les framboises étaient plus roses par ici.

49e : Ben Arous, au bord de la rupture, est à nouveau sanctionné en mêlée fermée. Halfpenny ne se fait pas prier et envoie une praline de plus de 50 mètres. 16-13.

52e : Bastareaud casse la ligne et résiste à deux plaquages. Il peut transmettre à Tuisova qui d’une avoine renvoie Andreu tondre la pelouse avec les molaires, puis dépose Chavancy d’un crochet intérieur et s’en va planter son premier essai avec Dulin en sac à dos ! Prodigieux ! Halfpenny confirme, 23-13. On voit mal le Racing revenir dans la course…

56e : Comme quoi, les colombes nous font mentir.  Car le Racing fait le forcing. Et non seulement ça rime, mais ça permet également à Machenaud, jouant rapidement une pénalité, de partir dans le bon timing, de raffûter le 15 — moitié de shilling — pour lancer le bison Tameifuna. Chilachava reste le museau contre le parquet et le jeu est envoyé au près, par les massifs, qui insistent. Masoe, Lauret, Nyanga, Ben Arous, opiniâtres dans les chocs, viennent palper la ligne rouge et noir. Les organismes prennent copieux dans cette bataille rangée. On revisite Koursk pendant une bonne minute, sans interruption, jusqu’à ce que Machenaud se souvienne qu’il a des gaillards de moins de 100 kilos à la pesée à sa gauche, et qu’ils peuvent faire la différence sans passer par l’autoroute. Il lance alors pour Carter qui, avant d’être séché par Giteau, place un amour d’extérieur du pied gauche vers l’aile vers Imohff, qui d’un bond pose son cul sur la truffe de Tuisova et volleye vers Dulin ! Celui-ci s’engouffre dans l’embrasure laissée libre et est en revanche cueilli sèchement par Bastareaud, qui referme le loquet derrière lui. Le cuir est récupéré par Mermoz, Pélissié temporise et dégage son camp.

58e : Chiocci est remplacé par Fresia et Mikautaze par Taofifenua. Chat remplace Szarzewski.

60e : Fresia poussé à la faute. Coup de patte de Carter, manqué. 23-13 encore.

Carter Racing 92 RC Toulon

63e : C’est Bastareaud qui plaque haut à présent, à la suite d’un mouvement au large des Franciliens. Carter se rachète. 23-16.

64e : Classen, trépignant, relève Masoe.

66e : Chilachava est remplacé par Saulo. Guirado par Orioli. La première ligne varoise est d’un lustre flambant neuf, plus mobile. Ben Arous met les bouts, et Vartanov prend sa place pour caler une mêlée en souffrance.

68e : Une défense de chafouin de Dulin, mais quel geste ! Alors que Tuisova, bien servi par une chistera de Bastareaud après un off-load, avait encore refait l’inventaire des fluets du Racing, Dulin, explosé au contact comme un œuf désirant stopper un RER, réussi à placer une cuillère digne d’un roi Burgonde au dernier moment. Tuisova, pas funambule pour deux sous, perd l’équilibre, se prend une belle trâlée sur le gazon pour être finalement muselé par Imhoff. L’ailier du Racing ne vaut pas tripette comme gratteur, mais tient suffisamment pour permettre à Machenaud de récupérer et à Carter de dégager. Ils peuvent souffler un poil.

70e : Saulo est pénalisé, à 40 de ses perches, pour avoir anticipé la poussée. On lui a pourtant dit été répété, mais il est tête de pioche le loustibar ! « Qu’à cela ne tienne, tu vas devoir répondre de tes actes mon Saulo », lui aurait glissé l’arbitre. Carter la rentre comme papa dans papa. 23-19.

72e : Ca commence à sentir le pouacre cette histoire. Toulon claque des genoux depuis quelques minutes. Murphy, fous le camp !

73e : Ducalcon rentre alors que Tameifuna sort. O’Connor renvoie Habana sur le banc.

74e : Mêlée fermée mal maitrisée pour les Banlieusards, qui la tournent délibérément estime l’arbitre. Les Toulonnais veulent prendre les points, cependant Halfpenny manque une pénalité cruciale !

76e : « Poussez madame », semble tempêter Laurent Travers derrière sa ligne. Les Franciliens ont remis le bleu de chauffe et c’est une houle ciel et blanche qui, l’écume aux lèvres, se jette dans un fracas assourdissant contre les falaises toulonnaises. Ducalcon, à grands renforts de coups de casque, défroque Taofifenua et crée une brèche. De nombreuses phases de jeu se succèdent. Chat prend des initiatives, cadre et remet subrepticement à Classen qui s’engouffre. Gorgodze sur le râble et Armitage sous le buffet, il s’écroule entre les poteaux. Monsieur Raynal demande la vidéo. Sur l’action, le ballon est bien aplati avant d’être masqué par Armitage. Le banc du Racing exulte ! Carter tape juste et permet aux siens prendre deux points de plus ! 23-26.

78e : Mermoz, peu en vue aujourd’hui, sort de son apathie et cavale comme un Jean-Michel, mais il est bien ligoté par Goosen alors qu’Andreu avait glissé. C’est repris sur le ruck et Machenaud vire le ballon au loin.

80e : Après un dernier aveu d’impuissance des avants toulonnais, ne parvenant pas à percer le coffre-fort ciel et blanc, c’est Giteau, qui, comme un symbole, voit sa téméraire tentative de drop contrée par un Chavancy dans le bon tempo. Le ballon revient dans les grosses patounes de Vartanov. D’un maladroit coup de chausson, notre gros lascard met tout le monde d’accord en expédiant le ballon au fond des tribunes. Le Racing peut laisser éclater sa joie !

Après 29 années sans se rencontrer en finale de top 14, le Racing a su surclasser de peu un Toulon petit à petit grignoté par la crainte du coup du sort. Une loi de Murphy qui leur revient dans le groin, et une affliction qu’ils pourront aller partager en compagnie des Clermontois, fervents spectateurs de cette loi empirique qu’appelle (pas le milieu du SCO), sinon à l’humilité, du moins à la prudence.

Par la fausse patte de l’Ouest

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