Fedor Emelianenko ne laisse personne indifférent. Plus grand heavyweight de l’histoire et invaincu pendant 10 ans, le russe a un héritage énorme.

Le staredown est le moment, une poignée de secondes avant que le combat ne commence, ou deux combattants sont face à face, presque nez-à-nez pour que l’arbitre leur énonce les dernières recommandations.

Joe Bell est psychologue et la citation qui va suivre est issue son article « Mind Games :  Psychological Warfare in MMA » : « Le meilleur en ce qui concerne les staredowns est Fedor Emelianenko. Regardez-le; il n’établit pas de contact visuel et son expression est extrêmement détendue – comme si il était sur le point de s’asseoir pour souper ou quelque chose dans le genre. » Mais voilà le point crucial. Quand l’arbitre leur demande de reculer jusqu’à leur coin, Fedor lance furtivement un regard à son adversaire, ou devrais-je dire, à travers son adversaire. Ce genre de regard est associé à des désordres comportementaux antisociaux et aux psychopathes. Ils ne vous regardent pas vous, ils regardent à travers vous. C’est sans émotion, c’est plus profond que la simple enveloppe corporelle. Dans de nombreux cas les combattants capteront ce regard et réaliseront soudain qu’ils n’ont aucune envie d’être là.

fedor

L’homme en question est un pratiquant russe de MMA oeuvrant dans l’impitoyable catégorie poids-lourd. Sa carrière débute en Mai 2000 par la soumission en 2 minutes d’un pauvre bulgare après l’avoir terrifié debout avec un crochet gauche passé sans s’arrêter au péage. Il restera invaincu au cours des dix années suivantes en démolissant tous ses adversaires. Qu’est ce qui conduit un foetus à devenir le guerrier à mains nues le plus craint de la planète? Un petit voyage dans la « Motherland » s’impose.

Genghis-Khan, Ottis Toole, Mike Tyson

Si les destins extra-ordinaires de ces 3 délicieux personnages -pour ne citer qu’eux- sont totalement différents, l’origine de leur personnalités si caractéristiques l’est beaucoup moins; une enfance hors du commun et pas dans le bon sens, qui aura modelé à jamais leur caractère bien singuliers.

Selon Freud, tous les aspects de notre personnalité sont le résultat d’expériences que nous avons faites dans notre enfance. Cette dernière aura alors probablement eu un rôle majeur dans la transformation d’un gamin ayant grandi à la limite de la famine dans un village reculé de l’union soviétique, en « Le Dernier Empereur ».

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Fedor déclarait il y a une dizaine d’année à propos des combattants auxquels il est opposé: « quelques années en arrière nous avions à peine de quoi manger. Maintenant je gagne plus d’argent et je vois chacun de mes adversaires comme un homme essayant de me faire replonger dans cette période pauvre. Cet homme doit être éliminé. » Ajoutez à un rude climat, une éducation traditionnelle Russe, deux petits frères et une petite soeur, une fascination pour le légendaire haltérophile Russe et fierté de la nation en son temps Yuri Vlasov, saupoudré de deux ans dans l’armée entre 19 et 21 printemps et pour les épices une femme et une fille à nourrir à l’âge de 23 ans. Et vous obtenez le meilleur combattant de la décennie. Que les chevaliers blancs se détendent le sphincter ce n’est pas une apologie de la misère psychologique comme méthode de découverte de pépites, je me contente d’énoncer des faits et il n’y a pas une leçon « Disney feat LaFontaine : comment confirmer son potentiel » à la fin de l’article.

Les titres, récompenses et statistiques glanées par Fedor seront plus efficaces que de longs discours. Tout cela cimenté par le fait qu’avec ses 1m82 pour 105 kilos approximativement, il était bien plus petit et bien plus léger que quasiment tous les combattants surentrainés qu’il a torpillé tout au long de sa carrière. C’est aussi, à la manière de Tyson, ce qui fait grandir un peu plus son aura; il allait sans complexe se mesurer aux pires mastodontes que la catégorie poids lourd avait à proposer avec un gabarit qui, avec les méthodes de régime adapté modernes, serait plus adapté à un run chez les poids moyens (84 kilos).

Chez les Heavyweights il ne se contentait pas d’exister, il chassait. Et quand un trappeur Russe trouve un lac rempli de silures laissez moi vous dire qu’il n’y va pas avec la canne à pêche de grand-papa, il y va au Semtex: un taux de finition (par KO ou soumission) supérieur à 75%, champion au Pride, au Rings et au WAMMA. Sextuple champion de Russie, champion d’Europe et quadruple champion du monde de Combat Sambo et double médaillé de bronze aux championnats de Russie de Judo. Au cours de sa carrière il aura désossé les plus grands noms que le MMA comptait à l’époque; Mirko Cro Cop, Antonio Rodrigo Nogueira, Tim Sylvia… En se permettant même des petites gourmandises de temps en temps, comme soumettre le médaillé Olympique de Judo Naoya Ogawa ou des lutteurs de calibre international comme Matt Lindland, Mark Coleman et Kevin Randleman. Sans parler de ses K.O surnaturels d’Andrei Arlovski ou Brett Rogers qui font encore croustiller après 50 visionnages.

Son règne a prit fin en Juin 2010 de Fabricio Werdum, qui deviendra plus tard Champion à l’UFC. En moins d’un round le Brésilien le soumettait d’un triangle (une soumission ou la tête et un bras sont piégés par les jambes de l’adversaire, qui n’a qu’à serrer pour provoquer l’étranglement, rien à voir avec le triste et inutile instrument de musique) et marquait l’histoire en étant le deuxième homme à battre Fedor au cours d’un combat de MMA (depuis Tsuyoshi Kohsaka en 2000). La mystique était brisée et 2 autres défaites consécutives suivront, une par arrêt des médecins entre le second et le troisième round et l’autre par un brutal K.O délivré par une autre légende absolue du sport: Dan « Hendo » Henderson et sa désormais célèbre H-bomb (un jeu de mot bien raclé mais plaisir coupable de tous les fans avec la bombe à hydrogène, l’initiale de son nom et la puissance débilitante de sa main droite).

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