Interview de Pierre-Louis Costes, bodyboarder français qui vient cette saison de remporter son second titre de champion du monde.

À 26 ans, Pierre-Louis Costes vient de remporter cet automne son second titre de champion du monde de bodyboard APB. Star de la discipline, le français qui vit maintenant à l’année au Portugal aura été impressionnant en 2016 avec des victoires sur les spots légendaires de Pipeline à Hawaï et Nazaré au Portugal. Un mois après son titre, on a rencontré PLC pour revenir avec lui sur ce second sacre, sur l’évolution du Pro Tour et sur la place du bodyboard par rapport au surf.

Salut Pierre Louis, tout d’abord comment se passe ton quotidien depuis ton titre de champion du monde ?

Pierre-Louis Costes: Depuis le jour où j’ai remporté mon titre, je n’ai pas arrêté en termes de promotion. Au niveau des entraînement, je n’ai pas pu trop surfer, car je me suis cassé une côte aux Canaries. Il m’a fallu un mois pour récupérer et j’ai repris les sessions seulement que maintenant.

Je m’étais blessé lors d’une session freesurf, la veille de la compétition, j’ai tapé les rochers. J’ai été touché au visage et aux côtes. Sur le coup, je n’ai pas fait d’examens pour ne pas me mettre du stress supplémentaire avant le contest.

Ce titre mondial et le second de ta carrière. Comment tu le places par rapport à ton premier acquis en 2011 ?

Pierre-Louis Costes: Ces deux titres ont été remportés dans deux phases de ma vie. Le premier, on peut vraiment parler d’exploit, car à ce moment-là, j’étais le plus jeune rider du tour. Je n’avais pas vraiment la notion de remporter un titre à l’époque. Celui-ci j’ai beaucoup plus travaillé pour y arriver. Je me suis concentré à 100 % sur ce titre. J’avais envie de le récupérer surtout après mes deux dernières saisons où j’ai fini deuxième au classement général. J’ai tout donné sur chaque série pour aller le chercher. Être champion du monde aujourd’hui, c’est vraiment le fruit d’un travail acharné.

Tu es dans le circuit depuis un petit bout de temps et tu es considéré comme l’un des bodyborders les plus talentueux. Ces titres ne sont en soi pas une surprise ?

Oui c’est vrai. Après, cette étiquette de futur champion du monde était plus un poids pour moi. J’ai eu beaucoup de pression jusqu’en 2011 et quand j’ai remporté ce premier titre, c’était une vraie libération. J’étais content de ne pas décevoir les gens qui croyaient en moi.

Tes deux sacres placent désormais la France comme une nation phare du bodyboard. Surtout qu’il y a aussi Amaury Lavernhe qui également été champion à deux reprises (en 2010 et 2013)…

Oui et les résultats parlent d’eux-mêmes. La France se place aujourd’hui comme la nation la plus forte dans le bodyboard. On n’est peut-être pas les plus nombreux, mais la qualité est au rendez-vous. On est 3 riders dans le top 16 avec Max Castillo. J’ai fini cette année champion du monde, Amaury est vice-champion du monde et c’est la troisième fois dans notre carrière qu’on fait 1 et 2. Après derrière, il y a de la concurrence avec les sud-africains, les hawaïens, les brésiliens et les australiens. C’est bien pour la France et j’espère que ça va inciter plus de jeunes à aller vers le body.

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Justement parlons du Pro Tour qui est organisé par l’APB (Association of Professional Bodybording) a eu des hauts et des bas durant ces dix dernières années. Comment se déroute-t-il et maintenant et est-ce la bonne formule ?

Depuis que je me suis lancé dans le tour, il y a eu plusieurs organisations différentes. Il y a eu l’IBA en 2011 et 2012 avec deux années formidables en termes de contests. En 2013, ça s’est très mal passé en interne et le tour s’est arrêté en plein milieu après 4 events. En 2014, l’APB a repris les choses en mains. On a eu une grosse phase de transition et cette année, on a eu un très bon tour. On a eu le retour de grosses étapes comme Fronton aux Canaries, de Pipeline à Hawaï et Teahupoo. Ce sont des manches qui sont nécessaires, si on veut développer notre sport. Dans le futur, on aura droit à un tour beaucoup plus sophistiqué.

La saison a l’air tout de même d’être très courte avec seulement 4 gros contest notés 4 étoiles et 4 autres notés 3. Comment tu t’organises ? Est-ce que tu les fais tous ou seulement les principaux ?

Cette année, j’ai participé à toutes les étapes. Plus tu en fais, plus tu as des chances d’engranger des points. On repart depuis le début en essayant de reprendre les choses en main. On essaye de créer des contests prestigieux un peu comme dans le tennis avec des grands chelems. Après ceux qui veulent organiser un contest, on ne va pas leur mettre des bâtons dans les roues même s’ils n’ont pas beaucoup d’argent ou que la vague n’est au top. On veut que toutes les régions du monde se développent.

Mais d’un point de vue sportif, cela fait que tu n’as droit à l’erreur avec seulement 8 étapes ?

Oui c’est vrai. En 2011, on avait droit à trois erreurs. Là, la marge est minime. Mais on est tous dans le même bateau, donc au final cela revient au même.

Ton plus beau contest cette saison, c’était lequel ?

Cette année, mon plus beau souvenir reste ma victoire à Pipeline. C’est l’étape la plus mythique et la plus prestigieuse. Limite, tu désires plus gagné à Pipe que d’être champion du monde. Quand je me suis lancé dans le bodyboard, je me suis dit que j’irais à Hawaï pour essayer de participer à cette épreuve et éventuellement la remporter. Commencer la saison par cette victoire m’a énormément apporté en termes de confiance.

En body vous surfer sur des vagues très spécifiques et surtout très puissantes. Quelle est la vague parfaite pour cette discipline ?

Le spot parfait c’est Fronton aux Canaries. C’est une vague très creuse qui offre des tubes en droite et en gauche, mais aussi des rampes de lancement. Le bodyboard recherche ces deux choses-là pour prendre des tubes et pouvoir faire également des manœuvres aériennes. Fronton est donc devenu notre arène. C’est insurfable en surf, car les dérives peuvent toucher les rochers, mais en bodyboard c’est juste parfait. Dans le monde, il y a des vagues faites uniquement pour notre sport. Fronton en fait partie, je peux te citer The Wedge en Californie ou The Box en Australie.

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Pierre-Louis Costes : « La France se place aujourd’hui comme la nation la plus forte dans le bodyboard.« 

Venons-en au sujet qui fâche. Le bodyboard est souvent considéré par rapport au surf comme un sous sport, un sport de plage. Qu’est ce que tu réponds aux gens qui sous-estiment le potentiel de la discipline ?

Cette image de jeu de plage est normale au niveau du grand public. C’est un sport qui permet d’avoir des premières sensations de glisse très facilement. Il y a donc ce côté simple qui est même temps très bon pour le marché du bodyboard. Après pour le haut-niveau, il n’y a pas du tout cette mentalité. Ils nous respectent et ils s’inspirent même de nos perfs. Il y a eu un article super intéressant dans un magazine australien récemment où des gars comme Kelly Slater qui parlaient du bodyboard. L’ancienne génération avait un peu cette image, mais les mentalités changent. De toute façon quand l’action est devant nos yeux, on ne peut pas dire qu’on est un sous sport. Notre but justement, va être de créer des vidéos et du contenu pour montrer aux gens la différence qu’il y a. En tout cas,  cette guerre commence vraiment à disparaître. Moi, je suis ami avec pleins de surfeurs en France, que ce soit Marc (Lacomare), Joan (Duru) ou bien encore Jérémy (Florès). Ils n’ont pas du tout cette image.

Mais tu n’as jamais au cours de ta carrière, eu des problèmes à l’eau avec des surfeurs un peu cons ?

Non justement, je n’ai jamais eu de problèmes. J’ai peut-être eu de la chance, mais cela ne m’est jamais arrivé.

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Et toujours en comparant surf et bodyboard, comment cela se passe pour vous d’un point de vue financier ? Je suppose que les revenus doivent être pour vous inférieurs à ceux des surfeurs de la WSL ?

Personnellement, j’arrive à en vivre avec des revenus qui sont assez intéressants qui me permettent de suivre le tour et de vivre de ma passion. Après pour d’autres c’est un peu moins évident. Sur le circuit mondial, tu as 10-16 sur 24 riders qui vivent correctement et le reste qui galère un peu plus. Donc oui, il y a beaucoup moins d’argent que dans le surf, mais ça devrait changer avec de nouveaux sponsors qui vont arriver bientôt.

Ton homologue champion du monde en surf n’est autre que John John Florence qui vient de remporter son premier titre. Qu’est ce que tu penses de lui ?

Ce qui est marrant, c’est qu’il gagné la veille de ma victoire. Sa performance m’a vraiment inspiré pour aller chercher aussi le titre le lendemain. Je me rappelle de ma première saison que j’ai faite à Hawaï, j’avais 13 ans. Il était déjà là à Pipeline a 10 ans, en train de surfer ses premières vagues, poussé par les pros. Son titre était prévu de longue date. Ceux d’Adriano De Souza et Gabriel Medina en 2014 et 2015 tiennent plus finalement de l’exploit. John John, c’est le meilleur surfeur au monde et son titre est amplement mérité.

Tu penses qu’il deviendra le nouveau Kelly Slater ?

J’ai eu cette discussion avec plusieurs personnes. Honnêtement, cela ne se reproduira plus. Il y avait moins de concurrence l’époque. Je peux me tromper, mais je ne pense pas qu’il y aura un surfeur qui pourra gagner autant de titres que Kelly. Il y a de plus en plus de jeunes qui arrivent et John John Florence se fera peut-être même bientôt détoner par un surfeur encore plus fort que lui d’ici 3-4 ans.

Et toi tu te vois  comme le nouveau Mike Stewart (9 titres de champion du monde en bodyboard, légende de la discipline) ?

C’est compliqué. Là, tu as des gamins de 17-18 ans comme Tanner McDaniel ou Tristan Robert qui font déjà des manœuvres hallucinantes. Ces jeunes sont hyper en avance. Que ce soit dans le bodyboard, mais aussi dans le surf ou dans le skate, les riders sont de plus en plus précoces donc je me vois mal à 31 ans battre quelqu’un de 18 ans. Physiquement ce sera impossible. Des bodyboarders comme Mike Stewart avaient par ailleurs moins de concurrence à l’époque et même eux le savent.

Dans le surf, mais aussi, je suppose, dans le bodyboard, l’esprit un peu alternatif est de moins en moins présent au grand regret de plusieurs riders. Qu’est tu penses de cet professionnalisation de la discipline ?

Je pense que ce sera quand même difficile d’effacer totalement cet esprit alternatif, car beaucoup surf par passion à travers les mondes et de se confronter à soi même dans des milieux sauvages. On aura donc toujours ces deux côtés et je pense que c’est important. C’est vraiment un plaisir d’aller à l’eau, sans caméra derrière. L’essence du surf c’est juste de rider une vague, ce n’est pas aller dans une piscine pour faire une compet qui ne plaira qu’aux médias.

Merci Pierre-Louis et encore félicitations pour ton titre

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